Vote gris
Droit des personnes malades
Le vote des seniors est-il synonyme de vote de droite ? s’interroge le sociologue Serge Guérin, professeur à l’ESG Management School. Remarquant qu’en 2007, Nicolas Sarkozy avait su capter près des deux tiers des votes des personnes âgées de plus de soixante ans, qui représentaient 28% des suffrages exprimés au deuxième tour des élections présidentielles de 2007, contre 24% en 1981. Mais si les votes apparaissent relativement contrastés en fonction des âges, l’explication relève de facteurs multiples : « l’âge est bien insuffisant pour expliciter des comportements électoraux comme il ne peut déterminer à lui seul nos attitudes de consommation ou nos positions culturelles : entre une femme de soixante ans engagée dans la vie sociale et née après le second conflit mondial, et un fragile centenaire, qui a connu deux guerres, les différences sont multiples. Les histoires de vie, les origines, les valeurs culturelles, la situation professionnelle et, encore plus, familiale, dont les conditions de vie des enfants, l’âge, le niveau de patrimoine et de revenu, explicitent bien plus largement le comportement que l’appartenance à la génération des plus de soixante ans. Selon le sociologue, « la vision associant prise d’âge et comportement de plus en plus conservateur doit être nuancée ». D’une part, le président de la République n’obtient pas aujourd’hui la même adhésion qu’au moment de son élection, « notamment parce que le discours présidentiel, tant à propos des retraites que de la dépendance, associe systématiquement la question du vieillissement à une problématique de coût, de charges ». D’autre part, les enfants du baby-boom qui arrivent sur les rives de la soixantaine sont ceux qui ont été le plus marqués, en termes culturels et sociologiques, par la transformation sociétale post-1968. Or, ces derniers ne vont pas changer de comportement électoral dès lors qu’ils auront franchi le Rubicon de la seniorité… Au contraire, un vote écologiste ou de gauche peut contribuer à renforcer le sentiment de rester moderne, leur permet d’affirmer un statut de non-vieux », soutient Serge Guérin. Selon lui, un bouleversement des comportements électoraux des seniors est possible, » si la gauche et les écologistes apprennent à parler aux plus âgés, soutiennent un projet fondé sur la coopération entre les âges et les solidarités intergénérationnelles et abandonnent un discours faisant des seniors les nouveaux privilégiés ».
Le Monde, 16 mars 2011.