Vivre avec une maladie chronique
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Armelle Debru, professeur honoraire à l’Université Paris-Descartes et conseiller de l’Espace de réflexion éthique d’Ile-de-France, analyse le sens de l’expression « vivre avec ». « Selon le sens latin originel, qui s’est perdu, “avec” (du latin ab hoc, « à partir de là ») marque un point de départ. Celui d’une vie qui change, où la maladie devient pour toujours une compagne de vie pénible et angoissante. Selon l’autre sens (celui de cum) vivre « avec » signifie paradoxalement vivre avec moins, et même vivre “sans” » : sans pouvoir faire ce qu’on faisait avant, sans perspective, sans espoir de guérison. Pourtant, dans cette locution, l’accent peut être mis sur “vivre”. Quel est ce vivre que revendiquent les malades, comme une part à soi inaliénable, à reconnaître, aider et protéger ? » s’interroge la linguiste. Quant aux maladies chroniques, « depuis qu’on les observe, on sait qu’à côté des maladies graves et brèves, d’autres sont lentes et durables. On classe ces dernières, on décrit leurs étapes. Chronique signifie à l’origine “durable” du nom du dieu du temps Chronos, mais aussi lent, à la fois répétitif et irréversible, discontinu et progressif. Leur temps est une énigme, comme leur vécu. » Pour Federico Palermiti, juriste et chargé de mission à l’Association monégasque pour la recherche sur la maladie d’Alzheimer, « si “vivre avec” une maladie chronique ou accompagner un proche malade interrogent au quotidien notre rapport au temps, il n’en demeure pas moins que cette réalité ne saurait se passer d’une réflexion collective des problématiques soulevées. Comment mobiliser à long terme nos mécanismes de solidarités autour de ces pathologies complexes et évolutives ? Comment adapter et modeler nos dispositifs actuels pour répondre au mieux à la diversité et à la singularité des besoins ? Comment traduire notre engagement collectif dans des stratégies nationales efficientes et pérennes ? « s’interroge-t-il. « Car au-delà des réponses purement techniques qui seront apportées à ce défi, c’est notre vision même de la solidarité qui est aujourd’hui questionnée. »
www.espace-ethique.org/sites/default/files/UETE%20Alzheimer_14_BD2.pdf, 9 septembre 2014.