Vivre avec l’incertitude : le temps anxiogène

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Date de rédaction :
22 août 2015

« La liste est longue de ce que bouleverse une maladie. Mais surtout, c’est vivre avec l’incertitude, c’est se créer une autre relation au temps, c’est faire des deuils ; de l’immortalité, certes, mais aussi une multitude de deuils du quotidien. », écrit Jean-Luc Noël, psychologue clinicien à l’hôpital Sainte-Périne (Assistance publique-Hôpitaux de Paris). « Chacun le sait et le comprend et l’on sait attendre, que l’on soit professionnel ou proche du malade, que les décisions que prend le malade coïncident avec la temporalité du vécu de sa maladie. On l’entend souvent : « c’est encore trop tôt pour qu’il accepte cela… », mais l’on sait que bien souvent, ce qui était trop tôt ne l’est plus quand le malade a cheminé. La question que l’on doit donc se poser est de savoir pourquoi il en serait autrement dans la maladie d’Alzheimer. La clinique quotidienne nous montre les mêmes réactions après l’annonce du diagnostic, certains refusant, déniant, agressant, rationnalisant, évitant, comme dans toutes autres maladies. Nous l’observons de la même manière, il faut du temps pour accepter le diagnostic, il faut du temps pour en accepter les conséquences, mais pourtant nous savons que ce travail se déroule et que les malades peuvent évoluer dans le sens de l’acceptation. Certes, plus la maladie avance, plus les capacités de pouvoir effectuer ce travail d’acceptation (qui, rappelons-le, n’est jamais linéaire) deviennent difficiles à mobiliser par le malade, tout au moins d’une manière spontanée. Mais finalement n’est-ce pas non plus un point commun qui rassemble tous les malades : ce besoin d’être aidé dans ce cheminement ? » Pour le psychologue, « Il existe peu d’endroits où l’on puisse cheminer et il s’agit de les développer afin d’offrir au malade la possibilité de continuer à prendre des décisions pour lui, le plus longtemps possible et dans une qualité de vie préservée. » Pour Pascal Antoine, professeur de psychologie au laboratoire Ureca (EA1059), laboratoire d’excellence Distalz à l’Université de Lille-3, le temps de l’incertitude est anxiogène : « plus on se consacre à tenter d’étouffer l’angoisse, plus on passe de temps en sa compagnie, livré à sa morbide influence, coincé à notre insu par le paradoxe de nos tentatives désespérées de soulager notre peine et nos peurs. »

Noël JL. Le diagnostic et ses conséquences dans la vie. Éthique, sociétés et maladies neuro-dégénératives. Le Journal de l’Espace éthique. Hors-série 2015 ; 9-10.  A     ntoine P. Accepter : entre lutte et résignation. Éthique, sociétés et maladies neuro-dégénératives. Le Journal de l’Espace éthique. Hors-série 2015 ; 10.