Un diagnostic précoce, pourquoi faire ? (3)
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Aujourd’hui, on estime que 50% des malades sont diagnostiqués et que seul un sur deux en a été informé, rappelle Fabrice Gzil. Pour lui, « la question ne porte plus tant sur l’intérêt du diagnostic que sur le moment opportun pour le faire », et le diagnostic précoce n’a de sens que pour la recherche. « Ce n’est que quand les troubles ont un retentissement dans la vie quotidienne, que la question du diagnostic a un sens. Mais où placer le curseur ? Quand le handicap est déjà sévère ? Ou dès les premiers trous de mémoire et troubles du langage ? Dépister toute la population à partir d’un certain âge n’a pas d’intérêt, vu qu’il n’existe pas de traitement curatif. Mais à l’inverse, faut-il attendre que les gens fassent la démarche d’aller dans un centre de la mémoire ? », s’interroge le philosophe. « Plus on diagnostique tôt, plus on peut accompagner les malades pour qu’ils gardent une autonomie plus longtemps. Et moins le coût de prise en charge est important. Mais cela implique un nouveau regard de la société. Diagnostiquer plus tôt, c’est vivre plus longtemps avec la maladie. Or, aujourd’hui, avouer que l’on est atteint alors que les symptômes sont peu visibles est une sorte de coming out [annonce volontaire]. A priori, on pourrait penser que se savoir malade permet de mieux anticiper et agir en personne avertie. Sauf à considérer le sentiment de honte qui accompagne la maladie tant elle est la figure du mal dans notre société. Elle fait écho à nos angoisses, à tout ce que l’on ne veut pas être. Dépendant, vieux et dément. »
Libération, 17 septembre 2013.