Un amour sans mémoire, de Stéphanie Petit

Société inclusive

Date de rédaction :
01 juillet 2017

« Je t’ai alors laissé me demander vingt, trente fois où se trouvait papa. Je t’ai répondu vingt ou trente fois d’un ton calme et bienveillant. À chaque fois, tu m’as répondu tranquillement : “Ah bon, très bien, et on le retrouve à quelle heure ?”. J’étais sidérée. Tu oubliais réellement les réponses au fur et à mesure, au point de ne pas te rendre compte que nous répétions sans arrêt le même dialogue. J’espérais que tu me demandes de cesser cette mascarade. Cela ne venait pas. Nous étions juste dans notre nouvelle vie », Stéphanie Petit est médecin anatomopathologiste au centre hospitalier de Lens. La maladie d’Alzheimer de sa mère l’a propulsée de l’autre côté du miroir, celui du malade et de sa famille. Désemparée, puis embarquée dans une aventure humaine remplie d’amour, elle a ressenti le besoin de raconter à quel point cette maladie impacte non seulement la personne atteinte, mais aussi son entourage proche. Après dix ans de recul, au-delà de l’histoire personnelle, elle espère que ce témoignage pourra venir en aide à d’autres familles encore démunies. La cohabitation avec la malade est parfois douloureuse. Pour la surmonter, elle lui écrit sous forme d’un petit journal, sans penser qu’il deviendra un jour un livre : Un amour sans mémoire. Il a été présenté aux huitièmes Entretiens pour la recherche sur Alzheimer en avril 2017 à Paris. La maladie est insidieuse, insaisissable, et commence par quelques oublis mis souvent sur le compte de l’âge. Il faudra même deux ans encore, avant que des tests ne laissent plus de doute. C’est un choc. « Il a fallu plusieurs nuits et plusieurs jours pour digérer cette découverte. Elle était extraordinaire, parce qu’elle me faisait prendre conscience à la fois que tu étais devenue une autre, et à la fois que la balle était à présent dans mon camp ‘” écrit-elle. Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ignorent leur maladie, refusent de l’admettre, car ils ne s’en rendent même pas compte. Il faut donc beaucoup de patience, et user de subtilité, voire de ruse pour surmonter, ou plutôt contourner les situations, confie Stéphanie : « Inutile de s’énerver après avoir déjà répondu vingt ou trente fois aux mêmes questions (…) « Difficile paradoxe de perdre une personne toujours en vie, mais dont la présence n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était. » Les droits d’auteurs sont reversés à la recherche sur la maladie d’Alzheimer de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.