Troubles de l’audition, atrophie cérébrale et maladie d’Alzheimer : quels liens ?

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Date de rédaction :
03 mars 2017

Arnaud Devèze, chirurgien ORL à l’Hôpital privé Clairval de Marseille, rappelle que « l’audition fait appel à des zones du cerveau qui sont liées à la mémoire. Lorsqu’on n’entend plus, ces zones sont désactivées ». Pour Philippe Amouyel, directeur de la Fondation Plan Alzheimer, « ne plus entendre des bruits habituels de la vie quotidienne peut entraîner une moindre stimulation de la plasticité neuronale du sujet et faire baisser ses réserves cognitives globales. » Le lien entre la perte d’audition et la maladie d’Alzheimer reste complexe, rappelle Marine Le Breton dans le Huffington Post. Une méta-analyse chinoise, coordonnée par Liu Jun de l’Université Sun Yat-Sen de Guangzhou (Canton), portant au total sur sept mille cinq cents personnes, montre que le risque relatif de survenue d’une démence chez les personnes atteintes de perte auditive est multiplié par 4.87 par rapport à des personnes entendant normalement. « Les adultes ayant une perte auditive non traitée perdent typiquement un centimètre cube de tissu cérébral chaque année », prévenait en 2014 Frank Lin, du département ORL de l’Université Johns-Hopkins de Baltimore (Maryland, Etats-Unis). Dans une étude menée auprès de cent vingt-six personnes âgées de cinquante-six à quatre-vingt-six ans, les chercheurs avaient montré que la perte auditive périphérique est associée indépendamment à une atrophie cérébrale accélérée dans tout le cerveau, et particulièrement dans le lobe temporal droit [gyrus temporaux, impliqués dans le traitement du son et de la parole, et parahippocampe, impliqué dans la mémorisation visuelle et spatiale].Cette perte auditive est associée à des conséquences diverses : risque accru de démence, chutes, hospitalisations et altération de la santé physique et mentale. « Que les structures responsables de l’intégration du son et de la parole soient affectées chez les personnes malentendantes n’a pas été une surprise », explique le Pr Lin : « le rétrécissement de ces zones pourrait être simplement une conséquence d’un cortex auditif appauvri, qui pourrait s’atrophier par manque de stimulation. Cependant, ces structures ne fonctionnent pas isolément, et elles ne sont pas impliquées que dans le traitement du son et du langage. Les gyrus temporaux, par exemple, jouent aussi un rôle dans l’intégration de la mémoire et des informations sensorielles, et sont impliquées dans les stades précoces du déficit léger et de la maladie d’Alzheimer. » Selon le Pr Frank Lin, il ne faut pas ignorer les troubles de l’audition : il y a urgence à les traiter. Arnaud Devèze est du même avis : « il faut prévenir très tôt, appareiller les patients pour réduire l’impact de la perte auditive. Si le risque de développer la maladie d’Alzheimer est avéré, le déclin sera ainsi moins rapide ».

www.huffingtonpost.fr/2017/03/08/un-lien-entre-la-perte-daudition-et-la-maladie-dalzheimer-il/, 8 mars 2017. Zheng Y et al. Hearing impairment and risk of Alzheimer‘s disease: a meta-analysis of prospective cohort studies. Neurol Sci 2017; 38(2): 233-239. Février 2017. www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27896493. www.alzheimersweekly.com/2014/01/hearing-loss-treatments-help-keep-dementia-away.html, 10 mars 2017. Lin FR et al. Association of Hearing Impairment with Brain Volume Changes in Older Adults. Neuroimage 2014; 89-92. 15 avril 2014. www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3951583/pdf/nihms555531.pdf (texte intégral).