Syndrome de Diogène et maladies neurodégénératives
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
« On dirait qu’il va mordre. Hirsute, mal lavé, il fait peur aux enfants. Et il pue, plus encore qu’une bête sauvage. Pourtant, il n’a pas l’air féroce, ni vraiment méchant. Ce qu’il attaque, en gueulant, en aboyant, en éructant, ce sont nos lâchetés, nos conventions, nos conformismes. En fait, il aime les humains. Mais il déteste les gens qui font semblant, c’est-à-dire presque tout le monde. Diogène, lui, se contente de dire la vérité », rappelait le philosophe Roger-Pol Droit dans son ouvrage Les Héros de la sagesse, dont un extrait est proposé sur son site www.rpdroit.com. Un étranger de passage s’avance et l’interpelle : « Eh, le philosophe, tu sais ce qui vieillit le plus vite chez les humains ? – La bienveillance, répond Diogène (413-323 av. JC) ».
Le syndrome de Diogène est une entité clinique connue depuis l’Antiquité, et qui a toujours suscité à la fois la répugnance, devant les conditions de vie et le manque d’hygiène des personnes concernées, et une certaine fascination de la capacité de ces personnes à supporter l’insupportable, rappelle Catherine Wong, psychiatre libérale à Paris. Le syndrome est bien connu du grand public en tant que fait divers dans les médias. La psychiatre observe depuis quelques années un regain d’intérêt des médecins pour cette pathologie en tant que problème médical, alors que les signes d’appel sont essentiellement dans le domaine social. « Le syndrome de Diogène est une entité syndromique regroupant des pathologies neurologiques (démences fronto-temporales plus souvent que maladie d’Alzheimer), psychiatriques (psychoses d’apparition tardive plus souvent que psychoses précoces), mais aussi des patients aux personnalités particulières chez lesquels la modicité du bilan para-clinique ne permet pas d’aller plus loin dans la démarche diagnostique. Le principal problème posé par ces patients reste celui de leur « repérage » toujours tardif et de leur prise en charge, toujours complexe en raison de l’intrication de problèmes éthiques et sociaux. La clinique du syndrome de Diogène peut se résumer à un critère principal (absence de demande d’aide en direction des acteurs du champ médicosocial), et à trois critères secondaires dont un au moins doit être présent (rapport pathologique aux objets, au corps et aux autres) ». Catherine Wong propose une démarche diagnostique et « thérapeutique » du syndrome de Diogène, tout en soulignant qu’il est « impossible d’isoler le diagnostic et le soin, d’une part, et l’éthique, d’autre part, chez ces patients si particuliers ».
Pour Gabriele Cipriani et ses collègues, de l’hôpital Versilia de Lucques (Toscane), « la plupart des personnes en situation d’auto-négligence vont développer une démence un ou deux ans plus tard », et à l’inverse, « les personnes atteintes de démence développent invariablement une incapacité progressive à prendre soin d’eux-mêmes ». Les auteurs recommandent un traitement comportemental en première intention.
Wong C et al. Le syndrome de Diogène : description clinique et conduite à tenir. Neurologie Psychiatrie Gériatrie 2013 ; 13(73) : 51-60. Février 2013. www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1627483012001468. Droit RP. Les héros de la sagesse. Paris : Plon. Septembre 2009. 226 p. ISBN 978-2-08-124662-1. www.rpdroit.com/index.php?option=com_content&view=article&id=69%3Ales-heros-de-la-sagesse&catid=50%3Aenquetes-philosophiques&Itemid=71&limitstart=1, janvier 2013. Cipriani G et al. Diogenes syndrome in patients suffering from dementia. Dialogues Clin Neurosci 2012; 14(4):455-460. Décembre 2012. www.dialogues-cns.com/wp-content/uploads/2013/01/DialoguesClinNeurosci-14-455.pdf.