Surmonter le biais de négativité : qu’en pense une personne malade ?
Société inclusive
Marguerite Manteau-Rao, qui défend et promeut les droits des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, diffuse une vidéo de Richard Taylor sur YouTube. D’où vient l’opinion négative du grand public sur la maladie d’Alzheimer ? Richard Taylor, docteur en psychologie et lui-même atteint de la maladie, explique : « la plupart des efforts de recherche et la littérature scientifique sur la maladie d’Alzheimer, même des sources les mieux intentionnées, se concentrent sur la perte des fonctions du cerveau et sur les meilleures stratégies pour prendre en compte les comportements problématiques. Je trouve très révélateur que les interprétations de l’imagerie cérébrale mettent toujours en avant les zones négativement affectées par la maladie. Essayez de regarder ce qui fonctionne toujours dans le cerveau malade: votre recherche sera frustrante. Cette négativité remonte à l’étymologie du mot même de démence, du latin demens , « hors de l’esprit ». Il s’agit d’un cas frappant de pensée collective déformée (distorted), qu’il est utile d’examiner. A l’évidence, la maladie d’Alzheimer touche un nerf sensitif non seulement chez les personnes affectées directement par la maladie, mais aussi dans notre société tout entière, notamment dans la communauté médicale et scientifique. La maladie d’Alzheimer menace notre sens de l’identité (selfhood) et, pour nous protéger, nous nous écartons des personnes malades. La maladie d’Alzheimer agit aussi comme un miroir grossissant de tous nos dysfonctionnements contemporains. La maladie exige que nous n’agissions plus (that we no longer do), mais au contraire que nous restions plantés là (dwell in being). Elle demande que nous soyons patients, et que nous nous ne précipitions pas. Elle nous laisse avec tous ces dons personnels qui ont pour nous le moins de valeur, tels que la créativité, la simple expérience des sens, et tout simplement l’amour. La maladie fait obstacle à notre désir d’efficacité. Elle joue à pile ou face le sens précaire de notre identité, et exige que nous nous réinventions à chaque instant. Elle nous confronte à la réalité de la mort, lentement, implacablement (relentlessly). Elle défie notre insistance pour l’autonomie (independence) et nous force à dépendre d’une communauté de soins et d’accompagnement (community of care). Elle nous pousse à explorer notre vide spirituel. Sachant cela, nous avons le choix. Nous pouvons décider de nous tourner vers les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et les approcher comme le ferait un maître attentionné (a welcome teacher). Ou bien nous pouvons nous retourner dans l’autre sens. La première option n’est pas la plus facile, mais peut être la seule utile, à long terme ».
www.huffingtonpost.com, 22 septembre 2010.