Se faire aider : consentir à faire confiance

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
22 août 2015

« La maladie me force à développer ma confiance en l’autre », déclarait Blandine Prévost, personne malade jeune, en 2012. « À certains moments ma réalité intérieure est différente de celle que les autres m’affirment. Perdre confiance en ma réalité, au profit de la réalité de l’autre. Partir du postulat que je fais plus confiance à l’autre qu’à moi-même. Convenons-en, il s’agit d’un exercice difficile… J’espère que les personnes qui m’entourent, et d’une manière générale l’entourage des personnes touchées par une maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée, mesurent la chance qu’elles ont, la confiance dont elles font l’objet. Qu’elles prennent conscience de cet exercice que nous faisons et s’émerveillent de cette confiance, plutôt que de se désoler d’avoir à répéter, redire et réexpliquer les choses ! » Judith Mollard-Palacios, psychologue et chef de missions sociales à l’Association France Alzheimer, souligne le « coût psychique » associé au fait d’accepter de l’aide. « Celui de renoncer à l’indépendance durement et progressivement acquise au cours de l’enfance puis de l’adolescence et jusqu’aux débuts de l’âge adulte. Accepter l’aide qui est proposée, c’est aussi être capable de s’en remettre à l’autre qui affirme savoir ce qui est bon pour elle alors que souvent elle n’a pas accès à cette analyse fine des besoins qui sont les siens, notamment quand la maladie la prive de certains de ses outils cognitifs. » Pour la psychologue, « les professionnels, qu’ils interviennent au domicile ou en établissement, doivent avoir conscience des risques énormes qu’acceptent de prendre les personnes malades quand elles s’en remettent à eux, et intégrer dans le temps du soin et de l’aide cette étape de l’approche et de la rencontre qui permet un temps de négociation et de compromis pour une relation d’aide et de soin consentie. » Pour l’aidant familial, en particulier le conjoint, « passer le relais à des professionnels, c’est prendre le risque de faire disparaître définitivement le lien qui l’attachait encore à son conjoint malade, même si ce lien n’existe parfois plus que dans la souffrance. Une relation d’interdépendance pouvait préexister au sein du couple avant l’apparition de la maladie et peut se trouver renforcée quand la relation d’aide s’intensifie, renforçant les liens d’attachement et complexifiant ainsi les modalités de la séparation. Il est alors extrêmement important que la présence de l’aidant professionnel soit un soutien à la relation entre le conjoint et son conjoint malade et non une menace, et que celui-ci soit attentif à ce qui fait l’intime du couple, comme l’utilisation du prénom, le tutoiement, les échanges d’affection. Entrer au domicile d’une famille est un premier pas dans l’intimité de l’autre. Une intervention souvent perçue comme venant bousculer ou même « violenter » un espace privé, personnel. Il faut faciliter cette rencontre en alliant les compétences et les sensibilités respectives de l’aidant familial et de l’aidant professionnel. En osant dire quand la sphère de l’intime se trouve menacée par l’une ou l’autre partie. Nouer une relation de confiance, ne rien brusquer, savoir observer, être patient, pour cela le facteur temps est nécessaire pour se découvrir, s’ouvrir à l’autre, oser exprimer ce que l’on ressent, sans tomber dans le jugement ou le conseil déplacé. »

Mollard-Palacios J. Accepter ou refuser une proposition d’aide. Le Journal de l’Espace éthique. Hors-série 2015 ; 29. Septembre 2015.