Réserve cognitive et niveau d’éducation
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« Pourquoi sommes-nous inégaux devant le risque de maladie d’Alzheimer ? » interroge Damien Mascret, du Figaro. « Une des réponses se trouve dans la notion de réserve cognitive, un capital cérébral, différent selon les individus, qui permettrait de mieux résister à la maladie. Ce concept a été longuement développé lors de la troisième conférence sur les neurosciences d’Arcachon, une manifestation entièrement subventionnée par le Conseil régional d’Aquitaine. Conserver une activité intellectuelle, même à un âge avancé, retarde la survenue de la maladie, si elle doit survenir, explique Yaakov Stern, professeur de neuropsychologie clinique à l’Université Columbia de New York. « Un niveau universitaire retarde l’échéance d’au moins cinq ans. Plus d’éducation, cela veut dire plus de synapses, un cortex plus épais, plus de possibilité de compensation par des circuits alternatifs. C’est un concept important qui montre qu’il se passe quelque chose dans le cerveau, au niveau intellectuel, même des années avant les symptômes », ajoute le Professeur Jean-Marc Orgogozo, du service de neurologie au CHU Pellegrin de Bordeaux. Mais la suractivité compensatrice du cerveau finit par s’épuiser et, comme un moteur que l’on aurait poussé aux limites, le déclin s’amorce d’autant plus brutalement que le moteur était puissant. Selon Yaakov Stern, « les personnes ayant les plus grandes réserves cognitives auront une maladie plus avancée au moment où s’amorcera leur déclin cognitif : elles mettront alors moins de temps à atteindre le point où la maladie compromettra le fonctionnement du cerveau et donc déclineront plus vite ».
Une étude menée par l’équipe du Professeur Jean-François Dartigues, directeur du Centre mémoire de ressources et de recherche (CMRR) du CHU de Bordeaux, à partir des données de la cohorte PAQUID (trois mille huit cents personnes âgées de plus de soixante-cinq ans suivies pendant vingt ans), montre que chez les personnes ayant un faible niveau d’éducation, le nombre d’incapacités à réaliser les activités instrumentales de la vie quotidienne (AIVQ) est un facteur prédictif de la survenue d’une démence dans les trois ans et dans les dix ans suivants (mesure à associer à un seul test cognitif). Chez les personnes ayant un niveau d’éducation élevées, les tests ayant la plus haute valeur prédictive associent la plainte cognitive subjective et des tests de la fonction cognitive et de la fonction exécutive.
Le Figaro, 12 novembre 2012. Chary E et al. Short- versus long-term prediction of dementia among subjects with low and high educational levels. Alzheimers Dement, 14 novembre 2012. www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23159045.