Représentations de la Maladie Janvier 2009
Société inclusive
Presse
Evolutions récentes de l’image de la maladie d’Alzheimer (1)
Diverses recherches en sciences sociales ont contribué à nuancer les représentations de la maladie en distinguant mieux le vécu des personnes malades, des proches et des professionnels. Les personnes malades tentent depuis peu, dans la mesure de leurs capacités, de continuer à prendre leur avenir en main, par des interventions à des événements publics et à des groupes de soutien, permettant une certaine forme de socialisation et de « réaffiliation sociale ». Les associations de familles et les institutions ont favorisé l’intégration des malades dans leurs conseils d’administration, leurs jurys de sélection de projets et lors de conférences. Internet a commencé à jouer son rôle de communauté virtuelle, Claude Couturier en France et Marcel Brasey en Suisse devenant deux figures emblématiques de la lutte contre la maladie en créant leur site Internet. Les représentations des aidants familiaux restent encore complexes à cerner, et leurs comportements ne sont pas nécessairement liés à leurs représentations. Quant aux professionnels, ils se protègent par des représentations « défensives », moyen de conjurer la peur et supporter la relation à l’autre, variables selon le lieu d’exercice, l’appartenance institutionnelle, le sexe et l’âge. D’un point de vue anthropologique, les groupes culturels réagissent face à la maladie selon leur propre rapport à la cognition, les références culturelles pouvant différer entre soignants et soignés. En réponse aux besoins des malades, la maladie d’Alzheimer représente un nouveau marché en expansion intéressant les laboratoires pharmaceutiques, les professionnels de la dépendance, les promoteurs privés, les assureurs, les gérants de patrimoine, les services à domicile, les entreprises développant de nouvelles technologies, les organismes de formation continue surfant sur la vague des thérapies non médicamenteuses… L’irruption des « gérontechnologies » (bracelets et piluliers électroniques, système d’éclairage automatique, chemins lumineux…) et des jeux vidéo, promettant de repousser explicitement le « spectre d’Alzheimer », est devenue un sujet controversé face à la peur de la dérive d’un « système technicien ».
Réalités familiales, décembre 2008.
Evolutions récentes de l’image de la maladie d’Alzheimer (2)
Selon un sondage TNS-Sofres de février 2008, 54% des Français craignent les effets de la maladie pour eux-mêmes ou pour leurs proches, alors qu’ils n’étaient que 41% en 2001, témoignant de la sensibilisation récente de la population à la maladie. Laëtitia Ngatcha-Ribert, sociologue et chargée d’études à la Fondation Médéric-Alzheimer, explique la « sortie de l’oubli » de ce nouveau problème de santé publique par une « fictionalisation » croissante de l’affection et un répertoire médiatique plus nuancé malgré la médiatisation de certains faits divers : force est de constater que la maladie est devenue une source d’inspiration littéraire (Small World, de Martin Suter, On n’est pas là pour disparaître, d’Olivia Rosenthal…), ou cinématographiques (Cortex, Loin d’elle, N’oublie jamais, La mémoire du tueur…). Les œuvres sont aujourd’hui estimées de moins en moins mièvres, lentes ou déprimantes, et les films nouent leur intrigue autour de la maladie. L’offre de fictions s’est donc multipliée, s’appuyant en partie sur les représentations culturelles et sociales qui l’environnent et concourant en retour à leur enrichissement. Certaines émissions télévisées ont eu un impact majeur et sont maintenant diffusées aux heures de grande écoute. Mais cette évolution demeure en partie fragile : des images sombres, sinistres et effrayantes se sont emparées de l’imaginaire collectif, la maladie d’Alzheimer demeurant la figure archétypique de la mauvaise vieillesse et une étiquette désignant le naufrage sénile, où se côtoient folie, déraison, aliénation, pertes, déchéance, mort psychique et sociale, escroqueries, homicides-suicides, euthanasie, les journalistes renforçant auprès du grand public le caractère dramatique de l’affection.
Réalités familiales, décembre 2008.
Evolutions récentes de l’image de la maladie d’Alzheimer (3)
Le succès médiatique de la maladie d’Alzheimer et sa dédramatisation provoque dans l’opinion publique des effets contrastés. La maladie d’Alzheimer cristallise la double angoisse face au vieillissement et à la maladie mentale, à laquelle se greffent les fantasmes de troubles du comportement jugés « asociaux ». Pour la sociologue Laëtitia Ngatcha-Ribert, lutter contre la stigmatisation et les pratiques sociales discriminatoires exercées à l’encontre des personnes atteintes de la maladie et de leur entourage passe donc en amont par la remise en cause des représentations : établir de la distance à l’égard des préjugés peut être l’affaire de tous, malades et bien-portants, en sensibilisant, en informant et en faisant connaître les travaux de recherche qui révèlent par exemple l’importance des réseaux familiaux, sociaux et médicaux. Les leviers de changement des attitudes et croyances résident également dans l’éducation des mentalités et la formation des personnels, pierre angulaire de la lutte contre la stigmatisation, et des redéfinitions permanentes des politiques publiques visant à transformer la prise en charge dans l’élaboration des représentations sociales.
Réalités familiales, décembre 2008.
Croyances
Deux psychiatres du Centre collaboratif de recherche sur la démence de l’Université de la Nouvelle-Galles-du-Sud à Sydney (Australie) ont mené une enquête téléphonique auprès de deux mille adultes, vivant à domicile, afin d’étudier leur représentation de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées et leurs croyances concernant la cause, le pronostic et la réduction du risque. 82% des personnes interrogées identifient correctement la maladie à partir d’une vignette. Près de la moitié pensent qu’une récupération au moins partielle est possible, si un traitement adéquat est administré. Plus de 80% pensent que la génétique, l’âge élevé, une maladie cérébrale ou un accident vasculaire contribuent à la survenue de la maladie. 72% pensent que le risque pourrait en être réduit. Les méthodes les plus fréquemment suggérées pour la diminution du risque sont l’exercice mental (38.8%), une alimentation saine (31%), de l’exercice physique (30.2%) et une meilleure socialisation (13.9%). La plupart des Australiens ne connaissent pas l’association entre maladie d’Alzheimer et les facteurs cardiovasculaires. Des campagnes de sensibilisation du grand public sont nécessaires, selon les auteurs.
Alzheimers Dementia. Low LF et Anstey KJ. Dementia literacy : recognition and beliefs on dementia of the Australian public. Janvier 2009.
Cinéma
Je m’appelle Lisa, de Ben et Josh Shelton
Lisa, treize ans (Carlie Nettles), s’occupe de sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer (Sally Smythe). Ce court métrage des californiens Ben et Josh Shelton a été sélectionné au festival international du cinéma pour enfants de Chicago en octobre 2008, ainsi qu’à plusieurs autres festivals majeurs (Festival de Cannes, California Next Generation Festival, Portable Film Festival d’Australie…). Il a obtenu le prix 2007 du meilleur court métrage décerné par le site internet de partage de vidéos YouTube, et a été regardé par 2.4 millions d’internautes. Nouvelle génération, nouvelles technologies.
Visionnable sur http://sheltonfilms.com. Alzheimer Europe Newsletter, octobre-décembre 2008.
I feel good ! de Stephen Walker
Young @ heart (jeunes de cœur) est une chorale unique au monde : moyenne d’âge: quatre-vingts ans, répertoire : The Clash, James Brown, Coldplay…, et qui part en tournée casser les représentations de l’âge. Pour Serge Guérin, Avec ce film, sorti en France le 24 décembre, Stephen Walker semble montrer que la force des projets et la puissance de l’humour peuvent concerner toutes les générations.
La boîte de Pandore, de Yesim Ustaoglu
Trois frères et soeurs istanbuliotes reçoivent un appel leur annonçant la disparition de leur mère. Ils partent alors à sa recherche. Ils vont découvrir qu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Cette promiscuité forcée ne tarde pas à réactiver les vieilles rancoeurs et les non-dits familiaux. Le nouveau film du cinéaste turc Yesim Ustaoglu sortira en France en avril 2009.
www.dvdrama.com, 19 janvier 2009.
Littérature
Histoire de l’oubli, de Stefan Merrill Block, traduit de l’américain par Valérie Malfoy
Au Texas, Abel Haggard vit dans une vieille ferme croulante proche de Dallas. Ce vieil homme usé par le temps attend désespérément le retour de sa fille qui a disparu des années auparavant. Il vit tourné vers un passé mythique, marqué par la figure lumineuse de sa belle-sœur qu’il aimait en secret… A quelques centaines de kilomètres de là, près d’Austin, le jeune Seth Waller vit un calvaire. Sa mère a développé une forme précoce de la maladie d’Alzheimer : elle perd progressivement la mémoire et doit être internée. Face à ce drame, son père s’est enfermé dans sa tour d’ivoire… Deux histoires déroulées en parallèle forment la trame d’Histoire de l’oubli, un magnifique roman sur la douleur, la quête d’identité et la difficulté d’accéder à la connaissance scientifique. Premier roman de Stefan Merrill Block, un jeune Américain de vingt-six ans au talent prometteur, cette œuvre est l’écho de la quête personnelle de l’auteur, qui a vu les ravages de la maladie d’Alzheimer sur sa propre grand-mère. Pourtant les aspects scientifiques n’alourdissent jamais la trame romanesque. Bien au contraire : cette quête d’informations montre le formidable défi auquel est confronté le monde de la recherche médicale pour trouver un traitement à ce processus dégénératif.
Pour Pierre-Robert Leclercq, du Monde, « la forme peut sembler, de prime abord assez plate. Mais, au fil de la lecture, on comprend qu’on a a confondu platitude et densité ; qu’un style n’a pas besoin d’effets pour séduire, qu’il est très ardu de dire avec simplicité des sentiments et des sensations complexes ». Chapitre après chapitre, Abel et Seth se succèdent, l’un et l’autre se racontant ; des « séquences légendes » s’intercalent entre les paroles de l’aïeul et celles du petit-fils. Cette Histoire de l’oubli est une fascinante performance narrative, centrée sur le bien-être qu’on peut attendre de l’oubli. Tout simplement admirable. Sans doute la genèse d’une grande œuvre ».
Editions Albin Michel.La Tribune, 7 janvier 2009. Les Inrockuptibles, 13 janvier 2009. Le Monde, 23 janvier 2009.
Le temps suspendu… quand la mort donne à la vie sa vraie valeur, d’Anne Thomès
Le thème de la fin de vie est presque toujours abordé dans la confusion et sous l’angle dramatique de situations individuelles extrêmes. Pourquoi toujours mettre en avant ces situations exceptionnelles alors qu’il est possible aujourd’hui de vivre sa fin de vie sereinement ? s’interrogent Joseph Lafont, Jean-Pierre Moissinac et le Dr Daniel d’Hérouville, de la Maison médicale Jeanne Garnier de Paris. C’est l’objet de l’album photographique d’Anne Thomès, qui fait redécouvrir les soins, l’attention à la personne malade et à ses proches, et la médecine de fin de vie. « Une brèche s’ouvre et nous sont offerts miraculeusement des moments de plénitude où la mort donne à la vie sa vraie valeur. Et l’on comprend alors que la vie n’est à la disposition de personne ». Anne Thomès est une jeune photographe bordelaise, qui a complété une licence de sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), avec une spécialisation sur l’activité physique adaptée au handicap, par une formation à l’école des Beaux-Arts de Québec, et qui termine un BTS de photographie à Paris. La Maison médicale Jeanne Garnier souhaite faciliter la diffusion de la culture palliative à travers cet ouvrage, vendu en ligne sur son site Internet.
www.jeanne-garnier.org, 9 janvier 2009.
Chevalerie
Après avoir vendu plus de cinquante-cinq millions de livres dans le monde, le romancier britannique Terry Pratchett, connu pour sa série des Annales du disque-monde (heroic fantasy), a été fait chevalier par la reine Elizabeth II. Distingué une première fois en 1998, l’écrivain, âgé de soixante ans, a annoncé qu’il était touché par une forme rare de la maladie d’Alzheimer.
Le nouvel Observateur, 31 décembre 2008.
Renée, de Frédérique Louvard-Hilaire
Une mère et sa fille face à la maladie, qui doivent affronter ensemble le passé qui vient se mêler, s’emmêler au présent. Elles connaissent toutes les deux les ravages de la maladie, et à deux, parviennent à l’accepter. A accepter que la fille devienne le parent de sa mère. Après le déni, le refus de la maladie, la fille fait face à la perte d’autonomie de sa mère. Et du long monologue de sa mère, remontent les traces d’une vie singulière. Au fil de la régression, inévitable, la fille ravive le passé de sa mère, essayant de dénouer les fils d’une relation fusionnelle.
Ce premier roman de Frédérique Louvard-Hilaire est soutenu par le Conseil général des Bouches-du-Rhône, et par le groupe Prémalliance dans le cadre de son action sociale. Constatant le besoin d’écoute des aidants en dehors des heures ouvrables, Prémalliance a créé en 2006 à Marseille une antenne d’écoute téléphonique (Allo Alzheimer) ouverte de 20 heures à 22 heures grâce à des bénévoles, en partenariat avec la maladie d’Alzheimer et SOS Amitié.
Editions Gramond, Marseille, septembre 2008
Conduire le changement en gérontologie. Principes, méthodes et cas pratiques, sous la direction de Colette Eynard, Olga Piou et Alain Villez
Les responsables d’établissements ou services en gérontologie conduisent leurs structures dans un contexte de changement qui les oblige à analyser les commandes explicites ou implicites faites par les pouvoirs publics, mais aussi par les bénéficiaires, devenus consommateurs de services sociaux ou médico-sociaux. Chaque obligation doit être une chance de faire évoluer une structure, un établissement ou un service à domicile. Cet ouvrage s’adresse à tous ceux qui mettent en œuvre une politique gérontologique sur un territoire local. L’ouvrage est structuré en vingt-sept fiches thématiques, élaborées à partir de projets accompagnés par les auteurs, consultants en gérontologie.
Editions Dunod. 2009.
Apprendre à mourir, d’Emmanuel Hirsch
Comment accompagner la vie jusqu’au bout, lorsque la médecine a déclaré forfait ? Telle est la question que pose Emmanuel Hirsch dans cet essai. Une leçon de méditation non pas sur la mort mais sur la vie : « il nous faut pouvoir nous consoler de l’existence sans considérer que le dernier devoir consiste à congédier la vie ».
www.agevillagepro.com, 23 décembre 2008.
Assistante de vie, un métier dans l’ombre, de la Fosad
En 2006, à l’initiative de Christiane Brison, chef de service, et Martine Lévy, éditrice de La Cause des livres, la Fosad (Favoriser et organiser les soins à domicile) mettait en place un atelier d’écriture destiné à donner la parole aux assistantes de vie spécialisées dans l’accompagnement des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Humanité, simplicité, tendresse : pendant un an, sept assistantes de vie ont exprimé leurs joies, leurs peines, leurs échecs et leurs victoires au quotidien.
Fosad. La cause des Livres, juillet 2008. www.fosad.asso.fr, 9 janvier 2009.
Growing, de David Sheard
Growing (Grandir), est le dernier livre du formateur David Sheard, publié par la Société Alzheimer du Royaume-Uni, dans la série Feelings Matter Most (ce sont les sentiments qui comptent le plus). L’auteur demande aux formateurs professionnels de prendre le temps nécessaire lorsqu’il s’agit de l’accompagnement de la maladie d’Alzheimer. Selon lui, la formation doit évoluer d’une simple sensibilisation à la maladie vers un apprentissage fondé sur les preuves. Les organisations doivent développer une apprentissage centré sur la personne et une stratégie de développement de la formation. Il propose aux professionnels expérimentés de la formation un programme original en dix points.
alzheimers.org.uk, Alzheimer Europe Newsletter, octobre-décembre 2008.
Veille presse : Michèle Frémontier et Paul-Ariel Kenigsberg
Rédaction de la revue de presse : Paul-Ariel Kenigsberg
Editorial : Jacques Frémontier