Représentations de la Maladie
Société inclusive
Presse
La Mama
C’est le surnom affectueux donné à la maladie d’Alzheimer et maladies apparentées dans le dossier coordonné par Jean-François Dartigues dans la revue Actualités et dossiers en santé publique (ADSP), éditée par le Haut conseil de la santé publique (HCSP).
Actualités et dossiers en santé publique (ADSP), décembre 2008.
La maladie d’Alzheimer : une image négative
L’image sociale de la maladie d’Alzheimer, qui toucherait huit cent cinquante mille personnes en France, est extrêmement négative, aussi bien auprès du grand public que du monde médical. Cette crainte serait surtout liée au fait que les Français et même leurs médecins, ne comprennent pas clairement ce qu’est la maladie. Selon Jean-François Dartigues, professeur de santé publique à l’Université Bordeaux III et neurologue au CHU de Bordeaux, l’organisation régionale des Centres mémoire de ressource et de recherche (CMRR) est en train de changer la manière avec laquelle la médecine fonctionne pour un problème chronique aussi délicat qu’est la maladie d’Alzheimer, tant sur le plan des soins que de la recherche et de la formation.
Claire Scodellaro, sociodémographe à l’Institut national d’études démographiques (INED), Stéphanie Pin Le Corre, chargée de recherches et Céline Deroche, documentaliste à l’Institut national de prévention pour la santé (INPES) ont passé en revue la littérature francophone et anglophone concernant les représentations sociales de la maladie d’Alzheimer depuis 1995. Elles ont retenu trente-sept références, la plupart en langue anglaise, et se référant le plus souvent à des modèles de psychologie sociale. Dans ses premiers stades, la maladie d’Alzheimer est d’abord interprétée comme une maladie de la mémoire, et semble-t-il, toujours considérée comme une conséquence inévitable du vieillissement, et donc niée comme quelque chose d’attendu. Dénégation du diagnostic, manque de connaissance sur les démences, résultant d’un manque de clarté et de cohérence dans les informations données par les médecins, sont quelques-unes des hypothèses explicatives. La maladie d’Alzheimer stigmatise, et l’image dominante des malades les exclut de la vie sociale : ils seraient déjà morts, caractérisés par leur incompétence et leur absence. Plus le malade est vieux, moins il serait compétent à recevoir son diagnostic. Ce jugement d’incompétence fait écho au modèle de la rationalité cartésienne qui prévaut dans les sociétés occidentales « hypercognitives » et qui accorde peu de valeur aux personnes présentant des incapacités cognitives, alors aisément sujettes au discrédit. Aux phases avancées de la maladie, la personne malade, perçue comme non-consciente, est disqualifiée dans tous ses actes et paroles, supposés inintelligibles ou dénués d’intentionnalité, et les interactions deviennent insensées. La honte s’installe : les personnes malades présentent leur maladie comme un sujet tabou, dont elles répugnent à parler même avec des professionnels de santé.
Actualités et dossiers en santé publique (ADSP). Scodellaro C, Pin Le Corre S et Deroche C. Représentations sociales de la maladie d’Alzheimer. Décembre 2008.
Comment lire les informations scientifiques ?
Comment discerner les informations fiables de celles qui le sont moins, lorsqu’on lit la presse grand public ? Trine Tsouderos, du Chicago Tribune, diffuse la grille de lecture de Kimberly Thompson, professeur associé en analyse de risque et science de la décision à l’école de santé publique de Harvard (Etats-Unis), qui s’intéresse aux représentations de l’information dans l’éducation à la santé et a publié un guide de lecture humoristique, pour apprendre à se poser les bonnes questions. Les informations les moins fiables sont des anecdotes ou des études de cas, sans référence de publication dans un journal à comité de lecture, non reproduites, sur des modèles animaux, sans mention des limites de l’étude, non comparées à des résultats précédents ou hors contexte.
Seattle Times, Chicago Tribune, 6 mars 2008. Thompson KM. Risk in perspective: insight and humor in the age of risk management. Editions Harvard School of Public Health.www.health-insight.harvard.edu/healthinsight.pdf, 2004.
Comment se construit l’information sur la maladie dans les médias ?
Sarah Fenlon, attachée de presse de la Société Alzheimer britannique, constate que la presse multiplie les annonces de grandes avancées scientifiques, laissant à penser qu’un traitement est en vue ou que des chercheurs ont trouvé une nouvelle méthode de prévention de la maladie d’Alzheimer. Les journalistes doivent valider l’information brute auprès d’experts indépendants. L’équipe de presse de la Société Alzheimer doit réagir vite à chaque nouvelle, afin de coordonner en très peu de temps la réalisation d’interviews en direct ou enregistrées pour les chaînes de télévision et les radios nationales. Le service de presse assure une permanence vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, pour s’assurer de ne manquer aucune nouvelle sur la maladie d’Alzheimer. « Protéger la réputation d’expertise de la Société Alzheimer est essentielle pour que nos messages portent », déclare-t-elle. « Nous devons être la première porte d’entrée lorsque les journalistes appellent, avant que la nouvelle paraisse dans la presse. L’équipe de presse de l’association entretient des relations avec des journalistes clés pour influencer la tonalité de la couverture. Quand les journalistes nous demandent un avis d’expert, nous nous tournons vers les connaissances de notre équipe de recherche, qui détermine si l’étude est importante, si ses conclusions sont fondées, si elle est trop préliminaire pour tirer des conclusions, ou si nous pouvons commencer à nous enthousiasmer ». L’équipe de recherche replace également les questions dans leur contexte et détermine si des recherches complémentaires sont nécessaires. Pour assurer la meilleure audience, l’association informe tous les journalistes-clé de la presse écrite et audio-visuelle avec un communiqué de la direction de la recherche (Susanne Sorensen et Clive Ballard). Elle alerte également l’agence de presse nationale qui diffusera ce communiqué à l’ensemble des journalistes du pays. La Société Alzheimer a mis en place également un cours de formation à la communication média pour ses nombreux porte-parole. Enfin, pour répondre à la demande de nombreux journalistes qui souhaitent illustrer leur reportage par des expériences vécues, l’équipe de presse de l’association travaille avec un groupe de bénévoles qui laissent entrer la caméra chez eux.
Cet investissement de la Société Alzheimer britannique dans la communication média porte ses fruits: ses revenus ont augmenté de 12% en 2006/2007, et le nombre de personnes contactant l’association pour apporter un soutien a augmenté de 21%.
www.alzheimers.org.uk, 16 mars 2009. QualityResearch in Dementia. Alzheimer’s Society, mai 2008.
Sens et représentations sociales de la maladie
« Il y a encore vingt ans, on estimait que les malades d’Alzheimer vivaient une évolution normale liée au vieillissement. Heureusement, il y a eu de grands progrès depuis », rappelle le Dr Jean-Pierre Aquino, conseiller technique de la Fondation Médéric Alzheimer, qui précise que ce cliché résiste, y compris chez les médecins généralistes, qui manquent de formation spécifique. Bien que l’information du grand public et des professionnels se soit accrue, cette maladie renvoie toujours une image négative, et le terme scientifique de « démence » qui la caractérise est encore largement associé à la folie et à des troubles du comportement mal compris.
« Maladie d’Alzheimer : indécence ou un des sens ? » C’est le titre des Documents Cleirrpa de février 2009. « Pourquoi la maladie nous trouble-t-elle autant ? Quel sens donnons-nous à cette pathologie pour que nous l’utilisions comme repoussoir d’un vieillissement qui ne serait pas le bon ? », s’interroge Olga Piou, directrice du Cleirrpa. Laëtitia Ngatcha-Ribert, sociologue et chargée d’études à la Fondation Médéric Alzheimer, apporte un éclairage sur les images de la maladie, entre permanence et mutations, où les conceptions traditionnelles se superposent encore à des perceptions plus modernes. Deux leitmotivs semblent toujours puissamment structurer le champ de « l’Alzheimer » : éloigner la figure de la vieillesse (la maladie d’Alzheimer est une maladie « authentique » « comme les autres ») et éloigner la figure de la folie (la maladie d’Alzheimer est une maladie « organique » du cerveau, et non de l’esprit). Les images traditionnelles négatives et sinistres de la maladie perdurent dans l’imaginaire collectif. Les représentations médiatiques et sociales deviennent, quant à elles, plus nuancées : le répertoire médiatique est moins limité, la maladie devient l’objet d’œuvres de fiction. Les personnes malades, « premières concernées », sortent de l’ombre. Les représentations des aidants, familiaux et professionnels, restent complexes à analyser. Enfin, les politiques publiques induisent un remodelage permanent des représentations sociales de la maladie.
Documents Cleirrpa. Ngatcha-Ribert L. Images de la maladie d’Alzheimer : entre permanence et mutations. Février 2009.
Protection juridique
La cour d’appel de Los Angeles a tranché : l’acteur américain Peter Falk (Columbo), âge de quatre vingt-un ans et atteint de la maladie d’Alzheimer, ne sera pas placé sous curatelle. La mesure de protection avait été demandée par sa fille, contre l’avis de sa belle-mère, et l’affaire fortement médiatisée.
www.tele7.fr, 1er mars 2009.
Cinéma
« Ta mémoire…mon amour ! », de Catherine Harnois et Jacques Meaudre
Les réalisateurs de ce film documentaire de cinquante-deux minutes avaient déjà mesuré, en recevant le prix du meilleur film d’information au festival Handica 2005, le manque d’information compréhensible par tous concernant la maladie d’Alzheimer. Ils ont réalisé un second documentaire, centré cette fois sur le point de vue des conjoints. Premiers signes, premières alertes, comportements adoptés par les personnes malades pour dissimuler leurs maux, long chemin jusqu’au diagnostic… Comment accepter de voir son conjoint, après de longues années de bonheur, sombrer dans la démence alors qu’il est encore en bonne forme physique ? Comment rester amoureux d’une personne dont on ne sait même plus si elle vous reconnaît, qui n’est plus que le fantôme d’elle-même, au comportement parfois outrancier ou vécu comme tel par la personne valide ? Des femmes et des hommes, forts de leurs expériences, ont compris la nécessité de s’exprimer, d’informer, de donner des pistes à ceux et celles qui sont ou qui seront, d’une façon ou d’une autre, confrontés à cette maladie, en donnant une leçon de vie.
Association Aigue Marine, www.aiguemarine.org, 13 mars 2009.
La boîte de Pandore, de Yesim Ustaoglu
Lorsque trois frères et soeurs istanbuliotes d’une quarantaine d’années reçoivent un coup de fil leur annonçant la disparition de leur mère du Nord Est de la Turquie où elle vivait, ils partent à sa recherche, mettant momentanément de côté leurs différences pour ce faire. Mais les tensions entre eux refont vite surface, comme une boîte de Pandore qui s’ouvre à eux, mettant au grand jour leurs vieilles rancœurs et les non-dits familiaux. Ils sont forcés de réfléchir sur leurs propres échecs. « Ce quatrième long-métrage de la réalisatrice Yesim Ustaoglu présente un univers urbain grisâtre, à l’horizon totalement bouché et aux couleurs désaturées. Au milieu de ces paysages désolés, une famille réunie autour de leur vieille mère (interprétée par Tsilla Chelton) atteinte de la maladie d’Alzheimer se rassemble pour mieux se déchirer dans des réglements de compte. Chaque membre de la fratrie révèle peu à peu ses failles, ses fêlures, par le contact obligé avec cette mère mourante. Confrontés à leur finitude, tous ces êtres souffrent et s’abîment progressivement dans le désespoir. Seul rayon de soleil dans ce tableau très noir d’une société en déliquescence, le petit-fils rebelle est le seul à comprendre sa grand-mère qu’il ne connaît pourtant pas.
www.avoir-alire.com, 5 mars 2009.
Littérature
La maladie d’Alzheimer : problèmes philosophiques, de Fabrice Gzil
La maladie fascine autant qu’elle angoisse, et est le sujet de fantasmes collectifs comme l’objet d’interrogations éthiques majeures, selon Cécile Prieur, du Monde. Comment « penser » les plaies de la maladie d’Alzheimer ? s’interroge-t-elle. Comment respecter l’autonomie et la liberté des personnes malades quand la maladie altère leur capacité d’appréciation ? Faut-il privilégier le bien-être et la protection des personnes malades quitte, parfois, à aliéner encore leur libre arbitre ? Bref, faut-il considérer la personne malade comme un sujet titulaire de droits à part entière ? Le philosophe Fabrice Gzil (ancien boursier de la Fondation Médéric Alzheimer), qui publie un ouvrage de deux cent cinquante pages sur les problèmes philosophiques soulevés par la maladie d’Alzheimer, s’attache au sujet avec pudeur et clarté. C’est une démarche au plus près des personnes malades qui a guidé Fabrice Gzil tout au long de sa thèse. Loin de réfléchir en théorie, presque en apesanteur à la maladie, Fabrice Gzil a passé plusieurs mois avec les équipes médicales, engageant un dialogue éthique constant. Il interroge ainsi la question de savoir s’il faut toujours informer le patient de sa maladie. Ecartant toute tentation du paternalisme, il plaide pour une approche où le patient resterait, le plus longtemps possible, un interlocuteur à part entière. Il s’agit de ne jamais oublier, même quand la maladie progresse, que « les patients sont des êtres sociaux », dont la qualité de vie dépend largement des relations qu’on leur propose. Leur prise en charge renvoie donc à la responsabilité de la collectivité envers les personnes malades : elle questionne notre capacité à la solidarité envers nos aînés.
Editions Presses Universitaires de France/Le Monde. Le Monde, 17 mars 2009.
Ultima Thule, de Henry Handel Richardson
Cette nouvelle de 1929, troisième tome du roman The Fortunes of Richard Mahony, relate les dernières années des déboires d’une aventure coloniale et des difficultés psychologiques traversées par le héros. Selon le psychiatre BM Draper, de l’Université de Nouvelles-Galles-du-Sud (Australie), la nouvelle décrit très précisément la survenue et l’évolution d’une forme précoce de la maladie d’Alzheimer chez une personne jeune. Les problèmes restent d’actualité aujourd’hui : la dépression, la difficulté de comprendre les changements de comportement sans diagnostic, l’impact de la maladie sur les jeunes enfants et l’épouse, et l’importance d’un accompagnement centré sur la personne.
Med J Aust. Draper BM. Richard Mahony, the misfortunes of younger onset dementia. 19 janvier 2009.
La maladie d’Alzheimer pour les nuls. Comprendre et accompagner le malade Alzheimer au quotidien, de Jacques Selmès et Christian Derouesné
Jacques Selmès et Christian Derouesné, neurologue, professeur émérite à l’Université Paris VI et ancien chef de service à l’Hôpital de la Salpêtrière, publient dans la collection de vulgarisation Pour les nuls un ouvrage consacré à la maladie d’Alzheimer.
Editions First. sante-medecine.commentcamarche.net, 26 février 2009.
Difficultés et réussites de la vie en établissements pour personnes âgées, de Daniel Alaphilippe, Roger Fontaine et Michel Personne.
Les personnes âgées souffrent dans les établissements. Les soignants souffrent également. Daniel Alaphilippe, Roger Fontaine et Michel Personne, professeurs de psychologie à l’Université de Tours, s’intéressent à la complexité des expériences vécues en démêlant les origines des polypathologies propres aux personnes âgées de celles produites par l’entourage. Ils ont choisi dix-sept situations cliniques représentatives. Les solutions trouvées améliorent l’ambiance de l’établissement et redonnent le moral aux professionnels. L’épuisement, l’impression qu’ »il n’y a plus rien à faire » n’accentuent plus les craintes et les angoisses de l’entourage, affirment les auteurs.
Editions Erès. AD-PA, janvier-février 2009.
Veille presse : Michèle Frémontier et Paul-Ariel Kenigsberg
Rédaction de la revue de presse : Paul-Ariel Kenigsberg
Editorial : Jacques Frémontier