Repérage des troubles sensoriels : « cesser d’être aveugle face à la surdité »
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« La dégénérescence neurosensorielle est une des composantes du vieillissement physiologique. Lorsqu’il est important, ce vieillissement physiologique devient pathologique car les complications sont redoutables, qu’il s’agisse des troubles de la communication qui isolent, des troubles du caractère qui isolent encore plus, des troubles de l’humeur qui gâchent la vie du patient et de l’entourage et surtout des troubles de la cognition dont on commence seulement à mesurer l’importance », écrit le Groupe de recherche Alzheimer presbyacousie santé (GRAPsanté), animé par le Dr Laurent Vergnon. Or « les pathologies sensorielles ne sont pas recherchées par les gériatres ou les généralistes, sauf demande expresse du patient et/ou de la famille, ce qui est rare. » Et en établissement ? Le GRAPsanté a mené une enquête épidémiologique auprès des médecins coordonnateurs de trois cent soixante-cinq maisons de retraite franciliennes, portant sur six mille sept cents résidents. 22% des médecins coordonnateurs ont répondu. Les consultations ORL sont très rares (3%) malgré une forte prévalence des troubles auditifs chez les personnes âgées (95% selon l’étude AcoumAudio, en cours de publication). Il existe une différence significative avec les consultations ophtalmologiques, qui ont été réalisées chez 14% des résidents de l’étude. « En ce qui concerne la vision, il est nécessaire de vérifier au cours de tout examen médical que l’acuité visuelle est correcte, car si le patient se rend compte qu’il voit mal, il s’adapte naturellement pour compenser ce qui lui manque sans forcément s’en plaindre », explique le GRAPsanté. « En ce qui concerne l’audition, le patient ne peut s’adapter puisque selon lui, il ne lui manque rien. Il cherchera plutôt une explication dans ce qui l’entoure, en se plaignant par exemple que ses interlocuteurs articulent de plus en plus mal. C’est ce que l’on appelle le “déni de la surdité” qui, bien sûr, n’en facilite pas sa prise en charge. On recherchera donc encore plus systématiquement un trouble de l’audition au cours de l’examen initial. Ce simple dépistage permettrait d’adresser beaucoup plus de patients à l’ophtalmologiste et surtout à l’ORL ». Pour le GRAPsanté, « la gravité des complications et l’état des patients en EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) imposent un ajustement pour éviter ce qu’il convient d’appeler une maltraitance. Apprendre à réaliser une simple acoumétrie vocale à voix chuchotée, par exemple, pourrait déjà permettre de mieux sensibiliser les soignants à la perte auditive de la personne âgée, pour favoriser le dépistage et la prise en charge, qui doivent être les plus précoces possible si l’on veut améliorer sa qualité de vie. »
Aubel J et al. Une étude pour cesser d’être aveugle face à la surdité – enquête en EHPAD. Rev Gériatrie 2015 ; 40(6) : 343-346. Juin 2015.