Repenser la communication : le mythe Alzheimer(1)
Société inclusive
Olivier Drunat, du service de gériatrie à orientation psychiatrique de l’hôpital Bretonneau (Assistance publique des hôpitaux de Paris), met en parallèle la déchirure des psychanalystes dans le champ de la psychiatrie et la révision de la notion de « maladie d’Alzheimer » par Peter Whitehouse et Daniel George (les auteurs du Mythe Alzheimer). Pour exister face aux théories psychanalytiques de Freud, Emile Kraepelin aurait été poussé à délimiter le champ nosographique de la psychiatrie (description et classification des maladies), postulant en 1910 l’existence potentielle d’une forme particulière de démence d’apparition prématurée : la « maladie d’Alzheimer ». Aloïs Alzheimer aurait lui-même douté de la différence entre cette maladie et le vieillissement cérébral. L’entité clinique « maladie d’Alzheimer » aurait été entretenue par les laboratoires pharmaceutiques comme prétexte pour promouvoir la recherche et la vente de médicaments. « Les médecins diagnostiquent la maladie et les individus touchés dans un statut de malade réclament leur dû. L’industrie pharmaceutique conditionne la prescription médicale en façonnant la taxinomie médicale ». L’autre argument contre l’existence de la maladie d’Alzheimer est la banalité des lésions cérébrales de la maladie d’Alzheimer, les biomarqueurs protéiques n’étant pas suffisamment spécifiques de la pathologie. Mais, remarque Olivier Drunat, Peter Whitehouse se repent, « après avoir bien vécu de la manne Alzheimer » : face aux représentations négatives du lobbying autour de la maladie, il change de vocabulaire, et soigne ses patients en parlant de modifications cognitives liées à l’âge ; les patients doivent s’adapter et considérer ces épreuves comme une opportunité pour se réaliser pleinement en tant qu’humains.
Pour Olivier Drunat, ce langage est séduisant, mais provocateur et toxique. Il engendre une grande confusion chez les malades et leurs familles, banalisant l’image de la maladie derrière celle du vieillissement. . « Ce n’est pas parce que nous ne savons pas guérir la maladie que nous devons nous en cacher l’existence, la fondre dans un continuum inexorable ou exclure une approche biologique au profit d’une prise en charge New Age ».
Drunat O. Alzheimer : le poids des maux et le choc des clichés ! Neurologie Psychiatrie Gériatrie 2010 ; 10(59) : 191-192