Rentrer chez soi

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
16 avril 2011

Mme C a des troubles de la mémoire depuis quelques mois, et un diagnostic de maladie d’Alzheimer a été posé. Un matin, alors qu’elle se rend de la maison de retraite vers l’accueil de jour, elle semble particulièrement perdue et confuse : « je ne me reconnais plus, je suis différente d’avant. J’ai le sentiment de faire des bêtises, je me demande où est mon mari maintenant. J’aimerais rentrer, je ne sais plus où je suis ». La psychologue demande : « vous avez l’impression d’être perdue ? » Mme C : « oui, je n’arrive plus à m’habiter, à penser à présent ». La psychologue : « « vous avez l’impression d’être ailleurs ? » Mme C : « Oui, je suis là, mais en même temps, c’est comme si je n’étais pas là ». Pour Audrey Meyer, psychologue clinicienne, « la maison est le lieu de vie dans lequel s’inscrivent les racines de chacun. Mais qu’y a-t-il à entendre lorsque la personne âgée démente dit : »je veux rentrer à la maison » ? Que représente alors la maison ? Au-delà du simple lieu d’habitation, cette demande peut renvoyer à l’impossibilité de la personne âgée de se construire un chez soi au sein de l’institution, à son sentiment d’errance identitaire, ou encore à son angoisse de la mort ». Pour la psychologue, « essayer d’entendre le sens latent des propos tenus par la personne démente permet de la penser et, de fait, de l’inscrire dans la communauté des vivants » ; pour un soignant, retrouver le sens de ce qu’énonce la personne, c’est retrouver la motivation à être dans le soin : en laissant la possibilité à la personne de dépasser son agitation psychomotrice, « en l’inscrivant dans un espace où la parole peut advenir afin de donner du sens à ce qui paraît de prime abord insensé, nous amenons plus de vie », écrit Audrey Meyer. « Ce retour à la maison signifierait, sur le plan fantasmatique, que le sujet dément souhaite « s’habiter » au sens propre, c’est-à-dire dépasser un sentiment douloureux de nostalgie, afin de retrouver un sentiment interne perdu.

La rencontre avec un tiers extérieur disponible, suffisamment contenant, tel le psychologue, peut amener la personne démente à dépasser son sentiment de nostalgie et d’angoisse ressenti lorsqu’elle exprime son souhait de retour à la maison ».

Meyer A. A la recherche de la maison perdue… Le Journal des psychologues, 2011 ; 287 : 26-30. Mai 2011.