Rééducation orthophonique
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« On croise toujours lorsqu’on se rend dans un EHPAD une personne sourde. Rien ne la distingue des autres et elle passe inaperçue si on n’y prend pas garde », écrit Samir Dhouib, oto-rhino-laryngologiste et vice-président du Groupe de recherche Alzheimer Presbyacousie (GRAPsanté). « Elle marche lentement tenant la rampe murale, regarde simplement le sol, rien ne la distrait, rien ne la fait changer de pas, ni de comportement… Elle est seule, passe et repasse pendant des tours et des tours puis disparait pour laisser la place à une autre. Si vous allez dans sa chambre, elle esquisse un sourire puis retombe dans sa tristesse sans plus se soucier de vous. C’est tout simplement une personne sourde. Toute la journée, tous les jours, toutes les semaines, toute l’année, elle fait ses tours de marche à pied, ses séances de fauteuil ou de lit les yeux dans le vague, accompagnée de son immense tristesse qui imprègne tout son corps. Il est bien rare qu’elle lise car rien ne l’intéresse. La télévision, elle ne l’entend pas. Elle n’a jamais de visite car elle ne les supporte pas et si vous voulez vous occuper d’elle, elle vous rejettera rapidement car elle ne comprend rien à ce que vous lui dites et vous la dérangez dans son malheur. » Le Dr Dhouib rappelle qu’ « il s’agit d’une surdité de perception avec distorsions qui lentement empêche de comprendre certains mots sans pour autant qu’on ait la sensation de moins bien entendre. Il en résulte que le presbyacousique lui-même ne se rend pas compte qu’il est sourd et accuse les autres de parler mal et trop fort. Petit à petit, un isolement s’installe du fait du grave trouble de la communication que les distorsions entraînent. Le patient présente des troubles caractériels et surtout des troubles de l’humeur qui entraînent des états dépressifs qui sont très rarement rattachés à leur cause. Ces patients reçoivent donc un traitement antidépresseur lourd sans résultat car seule la régression de la surdité peut faire disparaître ces troubles de l’humeur et du caractère. Bien sûr, ces traitements aggravent nettement l’état des patients. » Pourtant, cette situation peut être réellement améliorée : « il leur faut un audioprothésiste compétent et disponible, une orthophoniste formée à la rééducation de l’adulte sourd et un aidant. Il faut aussi que ces deux acteurs principaux travaillent ensemble, se parlent, se connaissent. Reconstruire une audition réclame que l’audioprothésiste fasse entendre tout ce qu’il peut avec les aides auditives et que l’orthophoniste grâce à l’aidant conduise le malentendant à comprendre en reconstruisant son audition. Avec un aidant formé par l’orthophoniste en huit ou dix séances et un travail de six mois, quatre ou cinq fois par jour, ils vont entraîner le patient à réentendre, avec d’autres perceptions plus graves des mots perdus, qui ont été retrouvés par des recherches de différences, découvertes et engrammées [« inscrites » de façon biologique dans le cerveau] par simple répétition. »
La lettre du GRAPsanté n°73, janvier 2016.