Recueillir la parole des personnes malades

Société inclusive

Date de rédaction :
11 février 2017

Pendant plusieurs mois, les bénévoles de l’association France Alzheimer de Saint-Lô (Manche) ont fait raconter leurs souvenirs aux malades. Elles en ont constitué un recueil pour leur donner la parole. « Ce sont des moments de rencontre, pour parler de leurs souvenirs de voix, de visages, de personnes absentes ou disparues », détaille Évelyne Rabec, ancienne infirmière, aujourd’hui à la tête de l’association locale France Alzheimer. « On fait appel à la mémoire autobiographique, elle perdure très longtemps chez les personnes âgées et chez les personnes atteintes de troubles de la mémoire. La faire travailler permet de renforcer le sentiment d’existence, d’appartenance. Elle est remplie de charge affective. » Une fois par mois, les « après-midi de convivialité » ont ainsi donné l’occasion à une vingtaine de malades de s’exprimer en groupe, autour d’une table, tandis qu’Évelyne Rabec endossait le rôle de scribe. Plusieurs thèmes ont été abordés : l’enfance à travers l’école, le soin et la prise en charge médicale à leur époque et celle de leurs grands-mères, et la période de l’exode et de la guerre. Tous ces souvenirs ont permis de constituer un recueil que la présidente locale a ensuite mis en page et fait imprimer au siège de l’association. « Pendant les séances un souvenir permet souvent de faire rebondir le voisin ou la voisine dessus, ajoute l’initiatrice du projet. Les personnes atteintes de troubles de la mémoire ont cette capacité à restituer beaucoup de détails sur la période où elles ont eu dix à douze ans. » « Le plus ancien est finalement le plus précis », note Claudine Dubourg, bénévole de l’association. Marie témoigne : « je me souviens de devoir casser le bois pour alimenter le poêle qui réchauffait la salle de classe. Nous avions un planning pour le balayage de la classe, l’effacement du tableau noir, et nous devions chaque mois procéder au nettoyage des encriers et des tables. » Jacqueline témoigne : « nous devions déclamer une prière devant un squelette lorsque nous entrions en classe ! Cette prière devait nous protéger de notre finalité mais aussi ne pas nous faire oublier que nous tenions notre destin entre nos mains. » Monsieur G. avait quatorze ans à la déclaration de la guerre. Avec ses parents, il est parti se réfugier à Rennes. Un soir, alors qu’il faisait du vélo, un avion américain était abattu par la DCA allemande et il ne dut son salut qu’en se précipitant dans le fossé pour se protéger. Mme H. se souvient : « j’avais 19 ans à la déclaration de la guerre et j’habitais La Barre-de-Semilly. Un soir vers 17 h je vis des avions par file de trois lâcher des chapelets de bombes. Les Américains bombardaient Saint-Lô mais nous en recevions aussi des éclats. »