Protéger et rendre capable : la considération civile et sociale des personnes très vulnérables, de Benoît Eyraud (2)

Société inclusive

Date de rédaction :
16 mars 2013

Pour Irène Théry, directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, ce livre « allie avec un rare bonheur des qualités en général opposées : une rigueur académique sans faille et une réelle audace intellectuelle dans la problématisation de l’objet ». Il apporte « une somme impressionnante de connaissances et d’analyses. Parmi elles, on retiendra en particulier l’enquête de sociologie législative, qui révèle à quel point l’institutionnalisation du régime socio-civil d’incapacité-protection s’est faite lentement et comme “à reculons” ». Pour Anne Caron-Déglise, magistrat, conseiller à la cour d’appel de Paris, déléguée à la protection des majeurs, il est « nécessaire et urgent d’engager une réflexion globale et transversale à partir des droits sociaux et non des catégories dans lesquelles elles peuvent être arbitrairement placées en raison de leur âge, de leur maladie, des handicaps, des pathologies mentales  susceptibles de troubler l’ordre public, ou encore en fonction des lieux depuis lesquels des demandes sont formulées pour elles (hôpital, y compris psychiatrique, maison de retraite, domicile). Cette réflexion est devenue un enjeu majeur de notre société. Plus encore dans un horizon économique particulièrement instable, dont les marges budgétaires sont inexistantes, ne pas se confronter à la réalité des situations vécues fait courir le risque d’abandon des personnes les plus vulnérables à une autonomie sociale impossible et à une capacité civile théorique, mais totalement ineffective ». À partir d’enquêtes de terrain très fouillées et d’une démarche ethnographique qui permet d’interpréter la complexité des significations, poursuit-elle, Benoît Eyraud « éclaire les conséquences identitaires engendrées par l’ouverture d’une mesure de protection. Il rend compte à la fois des incertitudes auxquelles les personnes se confrontent sur la scène civile et sociale, et de leurs capacités à devenir elles-mêmes. Sa confrontation à la réalité sociale et aux situations d’impuissance des professionnels et des personnes protégées dans leur propre parcours, lui permet d’approcher les modalités par lesquelles elles expérimentent concrètement leurs capacités propres. Par cette enquête plongeant dans le détail des situations vécues, l’imbrication entre les inaptitudes propres plus ou moins repérées et les empêchements sociaux subis est concrètement saisie. Elle permet de rendre compte des capacités d’agir pour faire l’effort d’extraire du réel “une puissance d’agir sur soi-même”.

Eyraud B. Protéger et rendre capable : la considération civile et sociale des personnes très vulnérables. 10 janvier 2013.Toulouse : Erès. 320 p. ISBN 978-2-7492-3340-6. www.youtube.com/watch?v=L0-nXqg-7z4 (vidéo).