Projection dans le futur
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« La mémoire autobiographique, ou la capacité à se remémorer des expériences personnelles, nous permet de stocker un large registre de connaissances générales (“je suis né dans telle ville…”) et spécifiques (“ma première journée au travail…”). Accumulées, depuis la naissance, ces connaissances nous permettent de définir notre parcours de vie et notre identité », rappelle Mohamad El Haj, maître de conférences en psychologie au laboratoire SCA-Lab (CNRS UMR 9193) à l’Université de Lille-3. « Partant du postulat selon lequel la mémoire est essentiellement orientée vers nos expériences antérieures, l’évaluation et le soutien de la mémoire autobiographique durant les prises en charge se sont principalement focalisés sur la reconstruction du passé. Pourtant, même si le contenu de la mémoire est bien orienté vers le passé, sa fonction est surtout de participer à notre adaptation dans le présent et à notre anticipation du futur. Dans la vie de tous les jours, nous sommes constamment préoccupés par la simulation d’événements futurs, par exemple, définir un trajet, anticiper un rendez-vous ou préparer un entretien. » Cette simulation peut concerner aussi des projets à plus long terme. Le chercheur s’intéresse à la projection dans le futur chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et à l’intersection entre cette projection et la reconstruction du passé. Les résultats dans ce domaine suggèrent un affaiblissement de la projection dans le futur, observé à travers la diminution du nombre des scénarios envisagés. De plus, une similarité importante semble exister entre les scénarios futurs et les souvenirs du passé. Ce résultat plaide ainsi en faveur d’un obstacle au niveau du remaniement des connaissances passées lors de la projection dans le futur. Si la construction de scénarios futurs est relativement préservée dans les stades légers de la maladie, la difficulté réside plutôt concernant la capacité de désengagement des scripts passés [modèles de pensée ou modèle comportemental permettant à la personne de fournir une suite de traitement d’information ou de comportements de manière automatique et ajustée]. Ces résultats invitent désormais à tester l’efficience d’approches thérapeutiques centrées sur les mécanismes de désengagement des scripts passés pour préserver la flexibilité dans l’adaptation quotidienne et la construction de projets. »
El Haj M. Alzheimer, mémoire autobiographique et projection dans le futur. Éthique, sociétés et maladies neuro-dégénératives. Le Journal de l’Espace éthique. Hors-série 2015: 20. Septembre 2015.