Préserver l’idée d’humanité
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
L’Espace national de réflexion éthique sur la maladie d’Alzheimer (EREMA) publie sa première lettre d’information, et le site Internet (www.espace-ethique-alzheimer.org) a ouvert ses portes virtuelles le 10 décembre 2010. Emmanuel Hirsch, directeur de l’Espace éthique de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) et du département de recherche en éthique de l’Université Paris-Sud 11, membre du comité de pilotage de l’EREMA, écrit : « les dépendances liées à la maladie d’Alzheimer nous soumettent à une approche souvent déroutante de la condition et de la liberté humaines. Comment préserver un espace de respect, une intention et une attention invulnérables aux possibles renoncements ou dérives dans la relation avec une personne apparemment démunie et dépourvue de ce qui caractériserait, de manière objective, sa dignité même ?
Poser ce type d’interrogation si délicate à exprimer permet néanmoins de concevoir les risques suscités par un déficit de réflexion résolument éthique, dans un contexte à ce point incertain qu’il sollicite, plus que d’autres, une vigilance et une rigueur constantes. C’est ainsi qu’on assume une confrontation rarement neutre, car toujours intime, avec la question éthique par excellence : celle de l’altérité. La personne affectée dans sa pensée, dans ses fonctions neurologiques, pourrait-elle paraître si singulière, si étrangère aux signes évidents ou apparents de notre humanité, qu’elle en perdrait son statut d’autre ? La notion d’altérité fait ici écho à celle d’altération, tellement présente dans l’expérience de la maladie neurologique dégénérative.
Cette altération peut être assimilée à la dégradation, à l’indignité, à une perte de l’identité et à la dissipation des valeurs propres. Ces déficits progressifs, cumulés, que l’on constate, constituent pourtant davantage un processus de transformation qu’une irrémédiable succession de ruptures. A elles seules, les institutions de soin ne peuvent assumer la fonction d’une intégration sociale des réalités humaines et sociales de la maladie d’Alzheimer, sans quoi il s’agirait là d’un renoncement préjudiciable à l’idée même d’humanité ainsi qu’à nos valeurs de solidarité ».
EREMA. Actualités n°1, Décembre 2010. www.espace-ethique-alzheimer.org.