Peut-on installer une caméra de vidéosurveillance dans une chambre d’EHPAD ?
Innovation
Face à de possibles maltraitances et négligences, est-il légitime de placer un système de vidéosurveillance dans une chambre d’EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) ? s’interroge la juriste Anne-Sophie Moutier. Toute personne physique peut décider d’installer des caméras de surveillance à son domicile pour en assurer la sécurité. Lorsque ces caméras ont pour objet de filmer exclusivement l’intérieur du domicile, leur mise en place n’est soumise à aucune déclaration auprès de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) ou à une autorisation de la préfecture, contrairement à une installation dans un lieu public. Il n’existe pas de réglementation spécifique pour l’EHPAD. La chambre en EHPAD est un lieu de vie privatif, sans avoir la qualité de domicile. Le résident jouit d’une chambre mais l’établissement en conserve la disposition. On parlerait d’un domicile si un contrat de location était établi entre le résident et la structure, ce qui n’est pas le cas d’un contrat de séjour. Les professionnels qui interviennent dans la chambre disposent d’un droit à l’image : ils peuvent s’opposer à la fixation, à la conservation ou à la diffusion publique d’images s’ils n’ont pas donné leur autorisation. Pour la juriste, il est essentiel de dialoguer avec les équipes soignantes qui pourraient avoir l’impression que les familles ne leur font pas confiance et qui pourraient se sentir épiées ou contrôlées dans l’accomplissement de leur mission : la démarche du dispositif est de protéger les usagers et non de surveiller les actes des professionnels. Au Québec, depuis mars 2018, la loi autorise la possibilité pour les familles de placer une caméra de surveillance dans la chambre de leur proche en EHPAD si elles ont des suspicions de mauvais traitements. Un pictogramme doit être placé à l’accueil pour dire que certaines chambres soient équipées d’une caméra, sans pour autant que le personnel sache lesquelles. Reste une question éthique : la vulnérabilité d’une personne permet-elle pour autant que l’on puisse l’observer dans son intimité, sa vie quotidienne et pendant les soins ?
Géroscopie pour les décideurs en gérontologie, mai 2019.