Perception olfactive
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« L’olfaction, un système chimique ancestral, faisant intervenir des cellules-souches capables de se régénérer, serait un marqueur potentiel d’un déclin physiologique plus généralisé », affirme Jayant Pinto, chirurgien ORL à l’Université de Chicago, qui a suivi, pendant cinq ans, trois mille Américains, âgés de cinquante-sept à quatre-vingt-cinq ans. La perte olfactive est mesurée par la capacité à nommer cinq odeurs simples : la rose, l’orange, la menthe, le cuir et le poisson. 78% des participants ont pu nommer quatre odeurs, et 4% pas plus d’une seule. La mortalité chez les personnes anosmiques [qui ont totalement perdu l’olfaction] est multipliée par quatre par rapport aux personnes ayant une olfaction normale : 39% des personnes anosmiques sont décédées dans les cinq ans, contre 19% de celles ayant une perte olfactive modérée, et 10% de celles n’ayant pas de troubles olfactifs. Cette mortalité plus élevée n’est associée ni à la nutrition, ni à la fonction cognitive, à la santé mentale, à la consommation de tabac ou d’alcool, ou à la fragilité. La perte de l’odorat pourrait signaler une régénération cellulaire ralentie, ou résulter d’une exposition cumulée d’agents toxiques de l’environnement.
Le service de soins de suite et réadaptation gériatrique des hospices civils de Beaune (Côte-d’Or) publie une revue de la littérature rappelant les spécificités neurophysiologiques du système olfactif et des odeurs, à l’origine d’une mémoire olfactive durable et d’une mémoire émotionnelle, dont la composante implicite produit un conditionnement olfactif inconscient, et fait le point sur l’altération des fonctions olfactives secondaires au vieillissement et aux maladies neurodégénératives, en particulier la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson, par le biais de modifications anatomo-pathologiques au niveau des structures olfactives périphériques et centrales. Les études de stimulation olfactive montrent un bénéfice à court terme sur les troubles de l’humeur et du comportement associés aux démences, avec peu d’effets secondaires. »
Marine Naudin et ses collègues, de l’équipe Troubles affectifs (INSERM U930) de l’Université François-Rabelais de Tours, ont comparé la mémoire olfactive à long terme chez vingt personnes atteintes de dépression majeure, vingt personnes atteintes de maladie d’Alzheimer au stade léger à modéré, et un groupe témoin de vingt-quatre personnes. Une altération de la mémoire olfactive est observée dans les deux groupes de personnes malades. Cette altération concerne les odeurs familières ou non familières chez les personnes dépressives. En revanche, les personnes dépressives atteintes de la maladie d’Alzheimer se souviennent des odeurs familières.
Bianchi AJ et al. Modifications de l’olfaction au cours du vieillissement et de certaines pathologies neurodégénératives : mise au point. Rev Med Int, 7 octobre 2014. www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0248866314006432. Naudin M et al. Long-term odor recognition memory in unipolar major depression and Alzheimer׳s disease. Psychiatry Res, 4 septembre 2014. www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25262560. Pinto J et al.Olfactory Dysfunction Predicts 5-Year Mortality in Older Adults. PLoS One 2014; 9(10): e107541. 1er octobre 2014. www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4182669/ (texte intégral).