« On n’est pas un objet »
Société inclusive
Alice Casagrande, philosophe et déléguée nationale qualité, gestion des risques et promotion de la bientraitance de la Croix-Rouge française, a demandé à vingt-et un résidents de sept de ses EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) de donner leur vision de la vie et de la mort en maison de retraite. Les entretiens ont été complétés auprès de dix-sept proches, et sept entretiens collectifs ont permis de recueillir le point de vue d’une centaine de professionnels. Le guide d’entretien a été élaboré avec le Dr Jean-Marie Gomas, chef de service de l’unité douleur et soins palliatifs de l’hôpital Sainte-Périne de Paris (AP-HP). Que disent les résidents ? D’abord, ils expriment un mouvement de résistance contre toutes les formes d’infantilisation : « on nous prend un peu tous pour des malades mentaux mais ras-le-bol, on ne l’est pas toutes. Ça vient du haut, c’est une mentalité (…). C’est idiot, mais on n’est pas un objet. C’est dur. C’est un esprit qui a été donné et qui est général ». « La personne est âgée, mais elle reste une personne. Elle n’est peut-être pas aussi égarée que l’impression qu’elle donne. Si elle a l’air perdue, elle ne l’est peut-être pas tant que ça. Ne pas traiter les gens comme des gagas. On n’est pas des bouts de bois, on n’est pas encore morts ». Ceci vaut également pour l’animation : « l’animation nous tire par les pieds. La meilleure chose c’est la liberté d’y aller ou pas ». « J’ai perdu de l’indépendance et de la liberté ici. J’aimerais avoir un peu de liberté pour les sorties, les loisirs : on arrive à un âge où on a envie de se dépenser ».
Le Mensuel des maisons de retraite, novembre 2010.