Oeuvrer pour la bientraitance
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Pour Nora Berra, secrétaire d’Etat aux Aînés, la maltraitance « agit par la parole qui nie l’autre, par le sous-entendu, le dit ou le non-dit, par l’absence d’écoute, de considération. Elle s’exprime par des attitudes réductrices, des gestuelles exprimant le refus, l’indifférence, le préjugé sous-jacent, l’extinction progressive du respect. Elle peut être aussi une tentation d’usurper, car la maltraitance financière contre les personnes âgées est une troisième réalité, si terrible qu’on ose à peine en parler ouvertement […]. Oeuvrer pour la « bientraitance », c’est transposer la volonté du « bien soigner » des personnels médicaux dans le quotidien de chacun, et « bien considérer » son prochain, surtout lorsqu’il est plus fragile. C’est prendre conscience et assumer la part de fragilité qui existe en chacun de nous, à différentes étapes de nos vies de femmes et d’hommes […]. C’est à ce moment charnière que l’attention à l’autre, la solidarité, l’accompagnement, l’humanité sont déterminants. Or, si ce critère de fragilité commence à être décrit et investi par le corps médical, beaucoup de sociologues, de politiques, de citoyens ne se le sont qu’insuffisamment approprié. Ce concept doit devenir notre principe d’action. Instaurer la « bientraitance » envers les personnes âgées, c’est aussi accepter de porter un regard différent sur nous-mêmes, et sur la seconde partie de notre vie. C’est un miroir sans complaisance qu’il faut se tendre à soi-même, avant de le tendre aux autres. Alors que notre société vieillit, on n’a jamais autant exalté le « jeunisme » cet idéal d’une jeunesse sans limite et à tout prix, renforcé par une société de technologies avancées et d’information rapide qui dévalorisent le savoir des aînés. C’est pourquoi il faut changer l’image du vieillissement dans notre pays, et combattre l’idée, consciente ou inconsciente, que le grand âge est une première mort. Cette perception du grand âge, c’est le terreau de cette violence et de cette cruauté, insidieuses et quotidiennes, qui se développent de manière sourde, presque invisibles, et qui échappent à l’attention des soignants, du fils, du parent éloigné ou de l’ami. Refuser la maltraitance passive et active contre les personnes âgées, c’est donc une démarche collective, et c’est aussi accepter intimement de regarder son propre vieillissement en face ».
Le Monde, 26 novembre 2009.