Nommer sa maladie pour en être acteur
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« Les expressions, témoignages, et récits de personnes accueillies viennent aujourd’hui bousculer non seulement les représentations des professionnels mais aussi leurs façons de les considérer : notamment sur la perception du temps, l’organisation de leur existence, l’attention à la survenue probable de symptômes… », écrit Pascale Gérardin, psychologue clinicienne au CHU de Nancy, dans le Huffington Post. « Les consultations mémoire hospitalières reçoivent aujourd’hui des patients qui présentent des plaintes mnésiques ou cognitives. Certains d’entre eux, que l’on pourrait qualifier de pré-symptomatiques répondent aux critères d’une maladie d’Alzheimer probable, alors même qu’il n’existe pas de gêne ou d’incidence dans leurs activités de la vie quotidienne et qu’ils sont autonomes. Ces personnes qui ne sont ni au stade de démence, ni au stade troubles cognitifs sévères altérant les capacités de communication langagière, témoignent ainsi de ce qu’elles vivent et ressentent tout en nommant leur maladie et en s’y référant. Et qui peut mieux que les personnes elles-mêmes pour exprimer ce vécu ? Qui peut mieux que les personnes elles-mêmes pour exprimer ce qu’elles attendent des professionnels et des soins qui peuvent leur être prodigués ? Monsieur D. par exemple, qui à l’annonce de la maladie a modifié son mode de vie en louant un appartement voisin de la maison où il résidait avec son épouse, pour éviter les perturbations liées à la profession de celle-ci, aide maternelle et famille d’accueil de deux enfants en bas âge. Conscient de l’évolutivité des troubles mnésiques et des troubles associés, envisageant son devenir sans détours, il nous dit aujourd’hui avoir atteint un certain apaisement, soucieux de l’essentiel d’une qualité de vie choisie qu’il nous décrit avec précision. » La psychologue poursuit : « ces propos non isolés nous semblent nouveaux dans des représentations de la maladie d’Alzheimer qui ne se réduisent plus seulement à la démence et à la perte d’autonomie. Au-delà des perspectives de recherche nécessaires, le diagnostic plus précoce favorise non seulement la possibilité d’expression et d’organisation des personnes mais aussi leur mobilisation dans la vie de la cité pour une autre connaissance de la maladie. Et chacun adapte les moyens de son autonomisation en fonction bien sûr de l’évolution de la maladie. L’enjeu est de favoriser cette adaptation sociale en informant l’acteur de sa maladie plutôt que de le comprendre et de l’accueillir d’emblée comme un malade définitif. »