Neuroscepticisme, de Denis Forest
Société inclusive
« Que croire de ce que les neurosciences prétendent avoir découvert, touchant non seulement l’esprit (la question ultime), mais même le cerveau (la question préalable) ? » s’interroge le Pr Denis Forest, qui enseigne la philosophie de l’esprit et l’histoire de la psychologie à l’Université Paris-X. Premier doute : l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) « n’aurait qu’un rapport très ténu avec ce qu’elle prétend observer, voire ne servirait qu’à fabriquer des résultats conformes aux théories “localisationnistes” du cerveau. » Denis Forest n’est pas d’accord : malgré ses failles, l’IMRf a un rôle sérieux à jouer lorsqu’elle entre en cohérence avec d’autres méthodes d’investigation directes ou indirectes, comme l’étude des lésions et pathologies. Deuxième doute : les neurosciencesdisent-elles quelque chose sur nos états mentaux ? « Prendre le cerveau pour le tout de la personne, voilà qui serait l’erreur, et les neurosciences seraient, au bout du compte, inutiles à l’étude de la psychologie humaine. Faut-il abandonner l’affaire ? » Denis Forest n’est pas d’accord : « L’existence d’un schéma corporel inscrit dans notre cerveau rend possible le sens du toucher, la localisation d’une douleur, etc. Cela suffit à ne pas exclure que la neurologie et la psychologie aient des choses à se dire. » Troisième doute : « Pourquoi s’obstiner à faire comme si l’esprit était dans le cerveau, et nulle part ailleurs ? » Parce qu’en dernier recours, répond le philosophe, « sans le cerveau, aucun esprit n’existe, et qu’à l’inverse, nous pouvons cultiver des pensées intérieures qui ne doivent rien à notre expérience présente du monde. » Pour Denis Forest, la neuroimagerie est loin de pouvoir appréhender la réaction d’un sujet en situation vécue et de tenir compte de la variété des cadres sociaux. » Selon lui, les neurosciences constituent un champ de savoir hétérogène, théoriquement instable et peu intégré à d’autres branches de nos connaissances. Mais il n’existe aucune raison, sinon idéologique, de les rayer d’un trait de plume “neuronihiliste” », et le “neuroscepticisme” fait partie de « la marche normale d’une science qui à chaque instant, fait bien de douter d’elle-même. »
Forest D. Neuroscepticisme : les sciences du cerveau sous le regard de l’épistémologue. Montreuil : Ithaque. 20 octobre 2014. 208 p. ISBN : 978-2-916120-41-6. www.ithaque-editions.fr/livre/54/Neuroscepticisme. Journet N. Neurosciences : le bon grain et l’ivraie. Sciences humaines, février 2015. Nouvelle quinzaine littéraire, janvier 2015. www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-actualite-philosophique-25-a-propos-du-livre-de-den, 30 décembre 2015. http://blog.ithaque-editions.com/wp-content/uploads/2015/01/SH_022015_Neuroscepticisme.pdf.