Millefeuille et silos
Droit des personnes malades
« La tentative de résolution des problèmes posés par la population vieillissante a conduit les opérateurs à créer, au fil du temps, des dispositifs successifs dont certains se superposent, et à initier des stratégies marquées du sceau du cloisonnement entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social. En conséquence, la fluidité et l’efficience ne sont pas les caractéristiques premières du système en place », analyse le gériatre Jean-Pierre Aquino, président du comité Avancée en âge et directeur médical de la clinique de la Porte Verte à Versailles (Yvelines). Mais les temps ne sont-ils pas en train de changer ? s’interroge-t-il. « La sociologie des organisations a beaucoup à apporter à notre discipline. Ne faut-il pas évaluer, décloisonner, simplifier, mutualiser ? Mais ces verbes se heurtent, dans bien des cas, à la réalité de terrain, ancrée dans des pratiques parfois anciennes et rassurantes. La juxtaposition des dispositifs a évolué vers leur coordination, certes utile et insuffisante, pour laisser place maintenant à l’intégration. La signification de l’acronyme MAIA [initialement “maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer” dans le plan Alzheimer 2008-2012″], prévue par la loi d’adaptation de la société au vieillissement, est enfin devenue “méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie”. L’intégration a pour but de faire travailler ensemble, en co-responsabilité, les professionnels des secteurs sanitaire, social et médico-social. Ils doivent se connaître et utiliser des outils créés ensemble avec l’objectif ambitieux d’harmoniser les réponses et les orientations faites aux personnes : c’est le guichet intégré. En 2013, le taux de couverture national par le dispositif MAIA était de 60%. La couverture territoriale totale devrait être effective en 2016. » Pour le Dr Aquino, « la géographie est une autre discipline incontournable pour nous aider à progresser. Elle nous enseigne la notion de territoire, définissant une aire logique expliquant les flux de population en fonction de leurs caractéristiques et incitant à une organisation proximale des réponses. Ainsi, le programme PAERPA (personnes âgées en risque de perte d’autonomie ; parcours santé des aînés) vient d’installer une “coordination territoriale d’appui” ainsi que des “territoires de soins numériques” ». Ces chantiers en cours de développement représentent un investissement immédiat dont la rentabilité ne sera visible qu’à moyen terme, prévient Jean-Pierre Aquino. Pour éviter un fonctionnement en silo, il faut rechercher une articulation et une complémentarité entre ces deux actions, ce qui leur donnerait une logique plus affirmée et une plus-value appréciable, explique-t-il, en citant en exemple la MAIA Est Indre-et-Loire. Il préconise que le territoire MAIA devienne le territoire de référence des dispositifs en place, ainsi qu’une réflexion nationale réunissant les équipes projet de la fragilité, des MAIA et du programme PAERPA. Contre les millefeuilles et les silos, Jean-Pierre Aquino conseille de rester optimiste, « sans méconnaître pour autant les résistances au changement, le contexte économique contraint et les conséquences de la réforme territoriale » : « les pessimistes ont souvent raison, mais ils ne font rien, et les optimistes ont souvent tort, mais ils assurent la marche du monde. »
Aquino JP. Le millefeuille et les silos. Rev Gériatrie 2015 ; 40(4) : 195-196. Avril 2015. www.revuedegeriatrie.fr/index.php.