Mémoire et référence à soi : approche de neuropsychologie cognitive

Recherche

Date de rédaction :
01 décembre 2010

« Parlez-moi de moi, y a qu’ça qui m’intéresse », chantait Jeanne Moreau (paroles de Guy Béart). D’un point de vue intuitif, nous savons tous que les informations qui nous concernent sont mieux retenues dans notre mémoire que les autres, celles qui n’ont aucune résonance intime. Nous invoquons très souvent ce principe, et d’autant plus avec l’âge, pour expliquer avec quelque dédain que nous n’avons pas retenu telle information, car elle était « insignifiante » pour nous. Les sciences cognitives étudient expérimentalement ce phénomène qui peut sembler trivial, expliquent Jennifer Lalanne, Pauline Grolleau et Pascale Piolino, du laboratoire de psychologie et neuropsychologie cognitives (CNRS FRE 3292, groupe Mémoire et langage) de l’Université Paris Descartes. L’effet de référence à Soi est un phénomène très consistant qui se traduit par une meilleure mémorisation d’un matériel lorsque celui-ci est encodé en lien avec notre propre identité par rapport à d’autres conditions d’encodage. Comment expliquer cet effet ? Nous avons en général une conception assez précise de qui nous sommes, une expérience unique de nous-mêmes, de ce Je qui pense, agit, se souvient et vit à travers le temps. En psychologie cognitive, l’identité ou Self ou « modèle de soi » peut se définir comme une métacognition, c’est-à-dire une connaissance diversifiée que l’individu a de lui-même, englobant entre autres sa personnalité, ses goûts, ses attitudes, ses aspirations, ces valeurs, ses buts et ses souvenirs personnels stockés en mémoire, en interaction avec la représentation d’autrui et de la société. De nombreuses études évoquent un effet de la personnalisation sur la mémorisation, qui se traduit par un bénéfice mnésique significatif lors de la récupération d’informations en référence à soi. Cet effet persiste-t-il chez des personnes atteintes de démence ? Oui, rapportent les auteurs, bien que les patients présentent dès le stade débutant des troubles de mémoire antérograde et rétrograde importants qui altèrent leur modèle d’identité et d’intégrité (leur Soi).

Lalanne JL et al. Les effets de référence à Soi sur la mémoire épisodique dans le vieillissement normal et pathologique : mythe ou réalité ? Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2010 ; 8(4) : 277-294. Décembre 2010. www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21147666.