Médicaments spécifiques : une baisse marquée des prescriptions en France (2)
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Pourquoi continuer à prescrire ces médicaments ? Partisans et opposants s’affrontent. Pour Agnès Saraux, gériatre à l’hôpital universitaire de Paris-Ouest, les médecins n’hésitent pas à arrêter la prescription en cas d’effets indésirables trop importants (notamment des troubles digestifs, cardiaques et neuropsychiatriques). Jacques Hugonet et ses collègues, du centre mémoire de l’hôpital Lariboisière-Fernand Widal à Paris, n’observent pas ces effets indésirables des médicaments : « nous continuons de les prescrire » : les médicaments disposent en effet toujours d’une autorisation de mise sur le marché, et ils sont à ce jour les seuls traitements anti-Alzheimer disponibles. « Il ne faut pas les écarter a priori, car cela peut être une perte de chance », déclare Aurore Burlaud, gériatre à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif (Val-de-Marne). Pour le Professeur Florence Pasquier, neurologue au CHRU de Lille, « la démarche de la France va à rebours du reste du monde : les spécialistes étrangers prescrivent volontiers les anti-Alzheimer, et des études ont prouvé leur efficacité » : en 2012, une étude parue dans le New England Journal of Medicine [la plus sélective revue médicale mondiale] montrait des effets cognitifs positifs, même faibles, sur les malades suivant un traitement à base de donépézil, rappelle-t-elle : lorsqu’on arrêtait un traitement pris depuis plus d’un an, les résultats aux tests diminuaient rapidement. Ces médicaments auraient le pouvoir de ralentir l’avancement de la maladie sur six mois, voire un an. «C’est du temps gagné pour les patients et leur entourage. Cela retarde l’entrée en institution, et diminue la fatigue des aidants », précise Florence Pasquier. « Comme pour tous les traitements, il y a des effets secondaires et des contre-indications », rappelle-t-elle. Par exemple, une personne bradycarde ne pourra bénéficier des traitements, mais une personne relativement jeune et sans antécédent pourra stabiliser son état. Surtout, les patients et leurs familles souffrent d’une désinformation : ils attendent souvent beaucoup de ces médicaments qui ne soignent que les symptômes, mais n’éradiquent pas la maladie à la source. »
Le Monde, 16 septembre 2013. Le Figaro, 17 septembre 2013.