Maltraitance : pour une « clinique des ratages professionnels » Février 2009
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Pour Pascal Pignol, psychologue à la cellule de victimologie générale du centre hospitalier Guillaume-Régnier de Rennes, c’est dans les failles des organisations que peuvent naître des « bavures professionnelles ». En effet, chaque profession fabrique sa propre norme, qui lui permet d’auto-évaluer en permanence son activité. Pour qu’une profession existe au sein d’une organisation pluridisciplinaire, il faut qu’une politique des compétences, de différenciation des postes de travail et de collaboration soit conduite dans la structure, et cette politique n’existe pas toujours. Selon Pascal Pignol, « la maltraitance, c’est ce qui vient se greffer sur des ratés dans la manière professionnelle de fabriquer la norme ». Il décrit huit types de « bavures », en apparence anodines, mais qui peuvent conduire à une escalade, parce qu’elles affectent des personnes vulnérables : l’impéritie (défaut de compétence dans une fonction exercée ; l’activité du professionnel est uniquement déterminée par ses savoirs acquis) ; l’autocratie (chacun détermine son activité en fonction de son rôle propre, sans concertation avec les autres) ; la toute-puissance (pas de délégation à un professionnel plus compétent) ; la connivence avec un usager (des soignants peuvent par exemple se prendre pour le parent de la personne et exercer son autorité sur elle) ; le carriérisme (les professionnels ne font que ce qui leur rapporte du mérite, laissent de côté ce qu’ils estiment accessoire, et protègent l’institution) ; la prévarication (le professionnel ne remplit pas sa mission ou déroge à ses obligations professionnelles, en toute conscience) ; la « persévération » (syndrome du personnel désabusé, qui effectue ses actes conformément aux règles, mais sans se préoccuper du résultat, par exemple effectuer une toilette sans se soucier des protestations des personnes) ; le décrochage entre rétribution et compétences (facteur aggravant qui peut conduire au laisser-aller et au désinvestissement de la tâche).
Partant de la « bavure professionnelle », une mécanique d’intimidation peut se mettre en place, selon le psychologue : « confronté à une plainte, le professionnel nie toute responsabilité, voire tout préjudice. Plutôt que de se corriger, il impute les fautes à l’usager, s’en prend à sa personne, à ses valeurs ». La victime de ratés professionnels, culpabilisée, a du mal à se poser comme victime et d’alléguer sa maltraitance pour faire valoir ses droits.
Actualités sociales hebdomadaires , 6 février 2009.