Maladie d’Alzheimer : les trois piliers de l’exclusion sociale (2)

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
01 septembre 2012

« L’exclusion sociale liée à la notion si péjorative de démence est fondée sur trois piliers », poursuit Geneviève Laroque : la déqualification du malade et de son entourage, la peur de la déviance, « l’inutilité sociale ». Le malade est déqualifié, il n’est plus possible de l’entendre : en train de « sortir de son propre esprit » ou déjà hors de lui, le malade n’a plus droit à la parole, avant même que celle-ci ne lui manque vraiment. Il n’a plus le droit de décider ou de choisir et, que ce soit avec bienveillance (« pour son bien… ») ou malveillance, il est au mieux traité en petit enfant, au pire comme une chose, voire comme un coupable incarcéré. Et par une sorte de contagion, le proche aidant est déqualifié : puisqu’il s’occupe d’un dément, il doit en quelque sorte se fondre dans cette tâche. Il se peut qu’il soit même déqualifié au regard des aidants professionnels qui nient trop souvent la compétence de l’entourage et de la famille. Trouver un langage commun à ces deux groupes, indissociables et complémentaires, demeure un objectif permanent.

Le professionnel, on l’a vu, est déqualifié vis-à-vis de ses pairs employés à des malheurs plus nobles. Une nouvelle culture professionnelle est en train de se créer à partir d’une reconnaissance de la maladie sortant d’une trop longue confusion entre démence et vieillissement. La peur de la déviance, avatar de la peur de l’autre, reste forte dans le public. Les comportements inhabituels de la personne atteinte d’Alzheimer effraient le “spectateur”, ce qui rejaillit sur l’aidant, proche comme professionnel. On a pu parler d’abandon de codes sociaux par la personne malade, ou même, ce qui est peut-être pire, d’une sorte de sélection étrange à l’intérieur de ces codes. Or, l’insertion sociale, partout et toujours, commence par l’intériorisation de codes en vigueur dans ce groupe-là : la perte des codes induit l’exclusion. Enfin, même si on n’ose plus utiliser des termes aussi brutaux, cette personne ainsi dépendante devient « une bouche inutile » (à nourrir). Non seulement inutile, mais, plus encore, consommatrice d’énergie extérieure puisqu’il faut s’occuper d’elle. Comme dans les cités assiégées, où l’on excluait les plus faibles pour conserver les capacités de défense, on risque, dans des sociétés comme les nôtres, assiégées par le toujours plus et toujours plus vite, de glisser vers l’exclusion plus ou moins douce de ces déviants effrayants. Lutter contre cette exclusion sociale du dément et de son entourage passe donc d’abord et toujours par l’information et la formation. On a moins peur de ce que l’on connaît, on a moins peur quand on sait qu’il y a « quelque chose à faire », pour mieux prévenir, pour mieux accompagner, pour mieux soigner, pour un jour peut être guérir. On est alors mieux préparé à investir de l’énergie, du temps, de l’argent, pour mieux connaître afin de mieux agir ».

Laroque G. Mieux connaître pour mieux agir. www.espace-ethique-alzheimer.org/index.php?r=16, 21 septembre 2012.