Loi sur la fin de vie : le temps du lâcher prise

Droit des personnes malades

Date de rédaction :
21 janvier 2016

 « Cette loi-là va nous servir à continuer à faire des efforts pour que le système dans son ensemble, soit à l’écoute du patient, respecte ce qu’il est, calme sa douleur, prenne en compte sa souffrance, qu’on n’impose évidemment pas des fins inhumaines », déclare Jean-Marie Gomas dans un entretien à La Croix. Dans les services cliniques, nous savons parfaitement que les choses vont être détournées puisqu’elles le sont déjà. Nous recevons des malades de grands services hospitaliers pour des raisons historiques, techniques et aussi sociétales, les familles étant quelquefois demandeuses d’un acharnement ou d’une obstination. Ces malades ne sont pas correctement pris en charge. Mais on ne va pas faire de sédation pour tous ces malades ! Ce n’est pas possible. Ce texte est, à mon avis, la conséquence d’une puissante poussée de la société pour évacuer le tragique, évacuer la tristesse, évacuer toute souffrance. Je pense que c’est un faux miroir : vouloir évacuer toute la souffrance morale, c’est un leurre. Car aimer, arriver en fin de vie, dire adieu à ses proches ou ne pas dire adieu à ses proches et vivre dans la révolte comme nous le voyons si souvent, ne peut pas être fait sans souffrance. Très probablement, comme cela arrive déjà, des services hospitaliers vont avoir tendance à accélérer la fin de vie parce qu’ils ont l’impression qu’ils n’y arrivent pas et que le malade est tellement douloureux et dans des souffrances insupportables qu’il n’arrive même pas à s’exprimer correctement avec ses proches, par exemple. Donc la tentation sera évidemment de “sédater” pour résoudre les questions sans réponse, ou celles qui sont mal posées. Et il y en a tellement en fin de vie. Il faut comprendre que, pour mourir, non seulement il faut un corps abîmé, mais il faut un esprit qui lâche prise. Sinon, vous pouvez survivre pendant des jours et des jours dans un état minimaliste. Nous craignons beaucoup que pour ces malades, plus ou moins bien endormis, qui résistent alors qu’eux-mêmes ont demandé à dormir, on accélère la fin de vie parce qu’au bout de quelques jours cela deviendra insurmontable aux familles et aux soignants. Les patients attendent certains moments pour rendre leur dernier souffle. Ils ne le rendent pas au hasard. Beaucoup de patients décèdent quand il n’y a personne dans la chambre. Ce n’est pas un hasard. Et beaucoup de patients ont des choses à dire à certains membres de leur famille. Il faut leur laisser du temps pour cela. Bien entendu, il faut calmer les douleurs. Mais on ne peut pas imaginer que toutes les fins de vie se feront sans tristesse et sans souffrance. »