L’isolement contribue-t-il à la survenue de maladies neurodégénératives ? (1)
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« L’isolement et la solitude sont, depuis une dizaine d’années, deux notions au cœur des préoccupations sociales et de santé publique en France, comme en témoigne, par exemple, la reconnaissance de la solitude comme grande cause nationale en 2011 », écrit le sociologue Arnaud Campéon, de l’École des Hautes études en santé publique (EHESP), chercheur au Centre de recherche sur l’action politique en Europe (CRAPE/ARENE- UMR 6051), qui coordonne un numéro de Gérontologie et société intitulé Vieillesses isolées, vieillesses esseulées ? « Ce qui, autrefois, ne semblait concerner qu’un nombre restreint d’individus, de surcroît marginaux, paraît aujourd’hui être élargi à l’ensemble du corps social, fragilisé par une dynamique d’individualisation qui touche tous les âges. L’étape de la vieillesse, et plus encore de la grande vieillesse, n’y fait pas exception en rappelant les tourments que ces expériences de vie sont susceptibles de générer à ces âges de la vie. » Douze experts de disciplines différentes questionnent ces phénomènes sociaux pour mieux les qualifier et offrir des clés de lecture sur leurs origines et les situations sociales susceptibles de les exacerber. Il s’agit aussi de saisir dans quelle mesure les représentations de ces phénomènes, et la compréhension fine des mécanismes qui y conduisent, permettent de mobiliser les personnes elles-mêmes et/ou d’engager des actions collectives destinées à lutter contre. Autant de pistes de réflexions visant à nourrir le débat et à éclairer l’effet kaléidoscopique de cet objet de recherche aux frontières mouvantes. Ainsi, « la maladie d’Alzheimer peut être envisagée à travers le paradigme strictement médical. Elle peut, à l’opposé, être conceptualisée de façon critique comme une pure construction sociale », écrit Bertrand Quentin, maître de conférences en philosophie au laboratoire interdisciplinaire d’étude du politique Hannah Arendt (EA 7373, Université Paris-Est Marne-la-Vallée). Le philosophe propose « d’explorer quelque chose qui ne se voit ni dans le premier paradigme ni dans le second, ce qui crée un effet de cécité : l’isolement contribuerait à la production réelle de maladies neurodégénératives. »
Campéon A. L’isolement et la solitude comme objet d’analyse. Gérontologie et société 2016 ; 38(149) : 11-23. Juin 2016. www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-2016-1-p-11.htm. Quentin B. Trou de mémoire, ou quand l’isolement produit la maladie d’Alzheimer. Gérontologie et société 2016 ; 38(149) : 66-67. Juin 2016.