Lexique : la complexité du discours

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Date de rédaction :
18 mars 2015

Certains marqueurs linguistiques se modifient à mesure que la maladie d’Alzheimer progresse. Ainsi, le vocabulaire devient moins riche et varié. Visar Berisha et ses collègues, du département du langage et de l’audition de l’Université de l’État de l’Arizona à Tempe (Etats-Unis), décrivent une méthode pour extraire des caractéristiques clés à partir de discours. Les chercheurs ont comparé des enregistrements des conférences de presse non transcrites des présidents américains Ronald Reagan (dont le diagnostic de maladie d’Alzheimer a été révélé en 1994, six ans après son départ de la Maison-Blanche) et George HW Bush, qui n’a pas de diagnostic connu de la maladie. Les deux leaders politiques avaient un âge à peu près équivalent au début de leur mandat (69 ans pour Reagan, 64 pour Bush), ont présidé les Etats-Unis à des périodes très proches, utilisant des codes linguistiques similaires. Les réponses spontanées aux questions requièrent un effort cognitif plus important qu’un discours qui a été répété. Partager les pensées et les idées à travers la communication orale est en effet un processus fragile, explique le Dr Berisha. Même la plus simple réponse verbale nécessite une séquence complexe d’évènements. Le cerveau doit se souvenir des mots pour transmettre un message, les mettre dans le bon ordre et les signaler aux muscles nécessaires pour produire de la parole. Le moindre dommage aux zones du cerveau qui orchestrent ces événements peut provoquer des difficultés d’élocution. Il faut souvent plusieurs années pour déceler un déficit cognitif. Au début, la personne malade compense, en s’appuyant par exemple sur des phrases soigneusement répétées et des mots simples. C’est lorsqu’il échoue qu’il ne peut plus masquer son état. Pour étudier les changements dans les modes d’expression des deux présidents, les chercheurs se sont aidés d’un nouvel algorithme basé sur une technique utilisée pour analyser les modifications d’écriture des romanciers. Si aucune modification n’a été décelée dans le cas de George Bush, en revanche, vers la fin de sa présidence, Ronald Reagan multipliait l’usage de mots répétitifs et de termes imprécis et non spécifiques tels que « chose ». Cependant, pour tirer de réelles conclusions de ces travaux, il faudrait les reproduire auprès d’un plus grand nombre de personnes, reconnaissent les auteurs. Il n’est pas exclu que ces changements linguistiques aient découlé d’une volonté délibérée d’utiliser un style oratoire moins complexe ou bien encore de problèmes de santé.

www.lesechos.fr, www.nytimes.com, www.medicaldaily.com, www.dailymail.co.uk, 3 avril 2015. Tracking discourse complexity preceding Alzheimer’s disease diagnosis: a case study comparing the press conferences of presidents Ronald Reagan and George Herbert Walker Bush. J Alzheimers Dis 2015; 45(3): 959-963. Janvier 2015. www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25633673.