« L’être dément »

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
16 avril 2013

Michel Poncet, neuropsychiatre à l’Institut de la maladie d’Alzheimer du CHU de La Timone à Marseille, membre du comité de pilotage de l’Espace éthique Alzheimer, rappelle que la définition de l’état démentiel la plus souvent utilisée aujourd’hui (DSM-IV) est une définition dite « en extension », qui  ne fait pas référence à ce qu’est la personne malade mais à ses déficits : « un patient victime d’une affection cérébrale, habituellement irréversible, qui présente des troubles cognitifs et/ou des troubles du comportement responsables d’une altération de son autonomie dans sa vie socio-professionnelle, est qualifié de dément. Cette définition, certes très utile dans le cadre d’enquêtes épidémiologiques ou d’essais thérapeutiques car elle permet un repérage facile à réaliser (quelques tests et questionnaires) des états démentiels, ne peut suffire pour la prise en charge de ces patients ». Au contraire, il conseille d’adopter l’approche du psychologue Arthur Tatossian (1987) : « quand il s’agit d’organiser un milieu familial ou institutionnel autour du dément, une prise en charge psychologique ou psycho-sociale ou encore une ergothérapie, ce qui est alors nécessaire, c’est une définition en compréhension plutôt qu’en extension – une définition qui donne l’essentiel ou même l’essence de la façon de vivre, du style global de vécu et de comportement des déments ». Qu’on la considère comme entité syndromique ou processus psychopathologique, déficit ou déséquilibre, « la démence apparaît comme la plus humaine – ou, si l’on veut, la plus inhumaine – des infortunes de l’homme puisqu’elle compromet ce qui, précisément, le distingue de l’animal : la capacité de conscience de soi et, ce qui revient au même, de conscience d’Autrui et du Monde », écrivait Tatossian.  Pour Michel Poncet, « ces phrases d’une grande humilité sont encore d’actualité. Elles traduisent bien la complexité du concept de démence et encore plus celle du concept d’être dément. Poser un diagnostic d’état démentiel n’est pas très compliqué, comprendre ce que vit et comment vit un dément l’est beaucoup plus ».

Poncet M. L’Être Dément. L’approche phénoménologique comme accès à “l’essence de la façon de vivre” de la personne démente ? Espace national de réflexion éthique sur la maladie d’Alzheimer. Avril 2013. http://www.espace-ethique-alzheimer.org/ . Tatossian A.  Phénoménologie des états démentiels. Psychologie Médicale 1987 ; 19(8) : 1205-1207.