Les stéréotypes incapacitants : des idées reçues qui occasionnent des « maltraitances par ignorance »
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Un certain nombre de lieux communs et d’idées reçues ont la vie dure et entraînent tous les jours, dans notre pays, des privations arbitraires de liberté et des atteintes injustifiées aux droits des personnes âgées, écrivent l’avocate Solenne Brugère et le philosophe Fabrice Gzil. On entend ainsi souvent : « quand la personne est sous tutelle, c’est simple, on demande au tuteur » ; « nous avons la responsabilité de la personne, elle est vulnérable : il faut donc minimiser tous les risques » ; « une fois que la personne a donné son consentement, celui-ci est définitif » ; « une personne qui a des troubles cognitifs ou qui a reçu un diagnostic de maladie d’Alzheimer ne peut plus prendre de décisions » ; « la capacité à prendre des décisions, c’est une question de tout ou rien » ; « quand une personne n’est plus capable de prendre une décision, les tiers décident à sa place. » Lorsqu’une personne a des troubles de la mémoire et des fonctions exécutives, lorsqu’on lui annonce le diagnostic de la maladie d’Alzheimer et lorsqu’elle fait l’objet d’une mesure de tutelle aux biens et à la personne, les risques qu’elle subisse des atteintes injustifiées à ses droits fondamentaux sont considérablement majorés. Ces idées reçues occasionnent ce que l’on pourrait appeler des « maltraitances par ignorance. » Pour les auteurs, tous ces stéréotypes doivent être combattus avec énergie, en expliquant clairement et simplement, en évitant tout jargon juridique, pourquoi ils sont erronés. Ainsi, dans tous les cas, il convient d’informer la personne en priorité et de rechercher son adhésion ou son assentiment. Un consentement n’est pas un blanc-seing : il doit être renouvelé lorsque la situation évolue. Une personne peut avoir des troubles cognitifs et rester capable de prendre des décisions en connaissance de cause. Il ne faut pas se demander si une personne est « compétente » dans l’absolu, mais si une personne est compétente pour prendre telle ou telle décision.
Brugère S et Gzil F. Vieillissement et nouvelles technologies : enjeux éthiques et juridiques. Espace éthique Région Ile-de-France. B Ethics Avocats. 3 décembre 2019.
www.espace-ethique.org/sites/default/files/28.11.2019-rapport-gzil-brugere.pdf (texte intégral).