Les personnes malades photographient leur environnement
Innovation
Christopher Moulin est chercheur en neuropsychologie au laboratoire d’étude de l’apprentissage et du développement (LEAD, UMR CNRS 5022) à l’Université de Bourgogne. Depuis septembre 2013, il a équipé huit personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer d’un mini appareil photo se portant autour du cou (Autographer, SenseCam) qui prend un cliché toutes les deux à trois secondes. Cette solution permet de rappeler aux personnes malades les évènements de la journée grâce à la visualisation des images prises par l’appareil. Le protocole, qui se déroule sur huit jours, se fonde sur deux aide-mémoire : « pour la première étape, les patients remplissent un journal de bord racontant leurs activités quotidiennes. Cela se passe sur trois jours et le quatrième, je viens lire avec eux le contenu de ce journal. La seconde étape concerne l’Autographer. Les patients portent la caméra durant 3 jours consécutifs. La visualisation se déroule le quatrième jour », explique Charline Cerf, neuropsychologue au LEAD. « La mémoire épisodique est meilleure », constate Christopher Moulin. Elle permet le souvenir d’évènements vécus avec leur contexte (date, lieu, état émotionnel). « On a aussi remarqué une stimulation cognitive chez la plupart des patients, c’est-à-dire qu’ils se souviennent d’éléments vécus qui n’apparaissent pas forcément sur les photos de la Sensecam » poursuit le chercheur. Cependant, la mini-caméra, pourtant aux allures d’appareil MP3 [format de compression numérique essentiellement dédié à la transmission rapide et au téléchargement de fichiers musicaux sur Internet], n’a pas toujours été acceptée par les personnes âgées volontaires pour participer à ce protocole. « Contrairement à ce qu’on pensait, la petite caméra a parfois été reçue avec difficulté par les personnes malades : “Je ne veux pas que les gens voient dans la rue que je suis malade”, “Je suis cobaye”, disent-elles. Les personnes âgées souffrant de cette pathologie ont du mal à accepter de ne plus être aussi performantes qu’avant. C’est avec les patients ayant des troubles mnésiques légers que le protocole fonctionne le mieux ». Le protocole se poursuivra auprès de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et inclura également des personnes saines de la même tranche d’âge (cinquante-neuf à quatre-vingts ans).