Les nouilles et le vieux sage
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
En médecine chinoise, la maladie d’Alzheimer n’existe pas dans le tableau clinique de la vieillesse, explique l’anthropologue François Lupu. Les symptômes ne font pas une maladie. A partir de soixante ans, le potentiel pathologique de la personne âgée se réduit au profit d’une « normalité de la vieillesse », les signes de la sénescence n’étant pas des signes de sénilité. Le passage se fait par une cérémonie mobilisant la famille, l’immeuble, le quartier, l’unité de travail en ville et le village à la campagne. Ce jour-là, le vieux déguste les nouilles de longévité (shòu miàn), longues et qu’il doit aspirer sans les briser. Des accessoires rouges symbolisent la dynamique de la vie. Entrer dans la vieillesse, c’est acquérir un statut social, et de nouveaux droits. A soixante-dix ans, on entre dans la grande vieillesse, on devient un vieillard. A quatre-vingt quatre ans, on devient un vieux sage, l’ultime étape étant la mort de vieillesse. Pour les aidants, la situation n’est pas un drame, mais une sorte de banalité (pas de fatalité) : « c’est comme cela, il est très vieux ». Selon l’anthropologue, la prise en charge est simple et évidente. Les enfants (ou petits-enfants) dorment souvent dans le même lit que la personne âgée pour mieux veiller à d’éventuels problèmes. « Sans plainte, sans dégoût, sans nécessairement d’affection non plus : simplement parce que les choses sont normales et doivent être faites ».
Gérontologie et société. Lupu F. La maladie d’Alzheimer en Chine ? Juin 2009.