Les mains vides
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Comment prendre la décision d’entrée en institution de son conjoint, lorsque les soins et l’aide sont devenus impossibles à apporter au domicile ? s’interroge Catherine Ollivet, présidente de France Alzheimer 93, dans le Huffington Post. « Une telle décision ne coule pas de source ni sur le plan moral, affectif, ni sur le plan matériel et financier. Confier son conjoint malade à des mains « étrangères » qui ne le connaissent pas est en soi une épreuve morale. Craintes parfois justifiées que l’équipe ne soit pas à la hauteur, sentiment de devenir inutile, les mains vides ne sachant plus quoi en faire puisqu’elles ne seront plus occupées à apporter les aides concrètes aux actes essentiels de la vie quotidienne; même épuisé, le conjoint aidant ne peut le vivre que douloureusement comme une dépossession de ce qui a constitué l’essentiel de ses cinq ou six dernières années, parfois bien plus, de vie commune dans la maladie à domicile. La présentation souvent caricaturale qui est faite dans les média des EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), selon la terminologie glaçante et technocratique de notre pays, ne fait rien pour apporter confiance et sérénité aux conjoints inquiets: les présentations idylliques d’établissements en présence d’un ministre de la santé visitant de charmantes « vieilles dames » toutes proprettes, satisfaites et souriantes, entourées de professionnels tous attentifs, respectueux et souriants aussi, ne trompent personne quant à la vérité généralisée d’une telle vie quotidienne en EHPAD. À l’inverse, de sordides images filmées en caméra cachée, sèment l’horreur et la terreur, sans plus être, et heureusement, le reflet d’une vérité généralisable mais toujours crainte. Comment prendre alors une telle décision d’entrée en institution de son conjoint, selon quels critères de choix, quelle connaissance du vécu quotidien réel de ceux appelés pompeusement des résidents dans le luxe des dépliants sur papier glacé offerts par les institutions, qu’elles soient publiques, associatives ou commerciales ? ». Pour Catherine Ollivet, « l’entrée de leur mari en institution d’accueil, c’est au soir de leur vie, l’abandon de toute sécurité financière, la régression de leur pouvoir d’achat, ce qui, dans le langage de ces femmes âgées, ne veut pas dire se payer des loisirs, des téléviseurs à écran plat, des Smartphones et des produits de consommation, mais ne plus pouvoir faire de cadeaux à Noël et aux anniversaires de leurs petits-enfants, ne plus changer ses lunettes, ne plus se faire soigner les dents. Aider, soutenir ces conjoints relève du devoir de notre solidarité ».
www.huffingtonpost.fr/catherine-ollivet/etre-le-proche-dune-perso_b_1890645.html, 18 septembre 2012.