Les biomarqueurs ont permis au diagnostic de « sortir de la préhistoire »
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« Si elle n’a pas abouti à ce jour à un traitement, la recherche sur la maladie d’Alzheimer, de plus en plus médiatisée et financée, avance quant à elle à grands pas », écrit Léa Galanopoulo, de CNRS Le Journal. « Depuis 2007, la définition même de la maladie a été totalement bouleversée, grâce à l’instauration d’un cadre précis pour l’identifier. “Un nouveau monde s’est offert à nous, on est sorti de la préhistoire”, résume le neurologue Bruno Dubois, responsable du Centre des maladies cognitives et comportementales à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) : “désormais, les critères cliniques sont bien définis. Par exemple, la maladie atteint l’hippocampe dès le début, provoquant un syndrome amnésique qui s’étend ensuite au cortex cérébral. Dorénavant, la maladie est définie par trois lésions majeures : la perte neuronale, l’accumulation de peptides bêta-amyloïdes (qui forment les plaques amyloïdes) et enfin l’agrégation des protéines tau, qui engendrent une dégénérescence neurofibrillaire. “Ce cadre moderne change tout !”, s’enthousiasme le neurologue, précisant qu’avant cela, les faux diagnostics pouvaient atteindre 35%. » Ces signes, s’ils sont visibles, aident-ils à poser un diagnostic ? « Oui, et les innovations en la matière ont connu un réel tournant ces cinq dernières années, notamment avec l’arrivée des tests biologiques. Auparavant, l’établissement du diagnostic se faisait grâce à un faisceau d’indices : imagerie par résonance magnétique et tests cognitifs notamment. On donnait des résultats au doigt mouillé. L’objectif était surtout d’éliminer les autres pathologies, et ensuite on estimait une probabilité que ce soit la maladie d’Alzheimer », raconte Bruno Dubois. « Désormais, les médecins possèdent une preuve biologique du vivant des patients : les biomarqueurs, détectés grâce à une analyse du liquide céphalorachidien recueilli par ponction lombaire. Par exemple, chez une personne malade, on retrouve la protéine tau dans ce liquide à des taux anormalement élevés. Et à l’inverse, il devrait y avoir des peptides amyloïdes, mais on ne les observe pas dans la maladie d’Alzheimer, car ils restent enfermés dans les plaques amyloïdes, précise le neurobiologiste Luc Buée, directeur de recherche au centre de recherche Jean-Pierre-Aubert, à Lille. « Les biomarqueurs sont détectables à n’importe quel stade de la maladie, même lorsqu’elle est encore silencieuse. C’est un changement total de paradigme », assure Bruno Dubois. Seulement, détecter Alzheimer alors que les pertes de mémoire ou la confusion ne sont pas encore installées pose de réels problèmes éthiques, car aucun traitement curatif ne pourra être proposé au malade. « Les biomarqueurs doivent rester un complément diagnostique, lorsqu’il y a un doute, ou chez des personnes jeunes par exemple », prévient le neurologue.
https://lejournal.cnrs.fr/articles/alzheimer-ou-en-est-la-recherche, 16 février 2017.