Les aides à domicile : un autre monde populaire, de Christelle Avril
Société inclusive
On compte aujourd’hui en France plus de cinq cent cinquante mille aides à domicile, essentiellement des femmes, rappelle la sociologue Christelle Avril, maître de conférences à l’université Paris-13 et chercheuse au laboratoire IRIS (Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux), qui a publié en juin 2014 un ouvrage tiré de sa thèse de doctorat. Les aides à domicile travaillent au contact des personnes âgées (quatre ou cinq “clients”, “usagers”, “bénéficiaires” différents par jour), en leur présence, pendant environ une heure et demie. Les aides à domicile assument trois types de tâches : le ménage, le soin apporté aux personnes âgées et la satisfaction des demandes de ces personnes. Mais quid du soin au corps ? De la toilette (intime) ? Fait-elle partie du métier ? Oui pour les unes, non pour les autres, constate l’auteur. Les aides à domicile exercent le plus souvent à temps partiel, avec des journées de grande amplitude (de 8 heures à 19 heures) et de longs temps morts non rémunérés. Ce sont des travailleuses pauvres : elles ont gagné en moyenne 839 euros nets mensuels en 2011. Un tiers d’entre elles (36%) n’ont pas de diplômes. Elles sont âgées en moyenne de 45.7 ans. Une sur six (17 %) est née à l’étranger. La moitié des aides à domicile travaille pour des associations et 14% pour des collectivités territoriales ou l’État. Elles sont alors en interaction avec le personnel de bureau de ces instances, où elles se croisent aussi entre elles, ce qui confère une dimension plus collective à ce travail très individualisé. La perception de leur métier est contrastée : certaines aides à domicile saluent cette opportunité et valorisent les aspects les plus rebutants, d’autres vivent mal les spécificités de ce travail qui évoque certains traits de la domesticité. L’auteur distingue deux groupes d’aides à domicile qui se distinguent par leurs biographies sociales et professionnelles. Le premier est constitué de femmes venant de milieux très populaires, qui n’ont jamais occupé jusque-là d’emplois stables, qui n’ont pas de diplômes, ni d’appuis familiaux, ni de réseaux ; elles sont souvent étrangères, ou filles d’immigrées. Christelle Avril les nomme « les promues ». Dans ce même groupe, il y a aussi des femmes provenant des départements ou territoires d’Outre-mer ou d’Afrique, qui ont suivi des cursus scolaires complets, ont obtenu des diplômes, mais qui n’ont pas réussi à les faire valoir sur un marché du travail difficile, ce sont « les déclassées mobiles ». Le deuxième groupe se compose de femmes de couches populaires mais pourvues auparavant d’emplois stables (ouvrières, employées) ou même de couches populaires moyennes (patronnes de petits commerces) et bien enracinées localement. Elles sont connues et reconnues dans leur quartier et disposent d’un capital social de respectabilité. Elles sont « les déclassées autochtones ».
Avril C. Les aides à domicile, un autre monde populaire. 4 juin 2014. Paris : La Dispute. 300 p. ISBN : 978-2-8430-3184-7.
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