L’effraction de la maladie

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
22 août 2015

Pascale Gérardin, psychologue clinicienne au Centre mémoire de ressources et de recherches de Lorraine (CMRR) au CHU de Nancy, écrit : « qui peut mieux que la personne elle-même, exprimer ce qu’elle ressent, ses doutes, ses craintes quant à l’évolution de la maladie, mais aussi et surtout la hiérarchie de ses importances concernant son accompagnement ? Il s’agit bien là d’une expression en “première personne”. » L’apparition des troubles cognitifs et/ou neurologiques est « souvent vécue comme une effraction et une intrusion qui peuvent être qualifiées de trauma dès lors que l’équilibre du sujet est menacé et qui convoquent et obligent l’appareil psychique à d’autres positions, plus inconfortables. “Qu’est-ce qui m’arrive, c’est comme si ma tête était toute brouillée”, entendons-nous, ou “Je ne sais plus rien, c’est terrible, je ne sais plus qu’une seule chose, je sais que je ne sais plus” ou “Je suis un bon à rien, je ne suis plus rien, je n’arrive même plus à tenir un marteau ou à remettre une ampoule chez moi”. Ces propos témoignent d’une unité narcissique, voire identitaire, compromise et mise à mal avec une effraction souvent suivie de tentative de compréhension et de recherche de sens qui vise la sécurisation de la personne. Chacun défendant ses propres modes de rationalisation avec un risque d’enfermement, gommer ou ne pas tenir compte du sens, ou de ce que peut en dire la personne, revient à mettre à distance ce qui constitue la personne dans ce qu’elle a de plus sensible et de plus tangible. » Pour la psychologue, l’écoute, étayée par le récit de la personne, peut lui permettre d’arriver à « un positionnement psychique plus opérant que destructeur. » Mais cette écoute « impose en retour une position du médecin ou du soignant à la hauteur de l’exigence induite par la fragilité de la personne malade. Il est bien question, là, de réciprocité d’échanges, voire de réciprocité de relation, malgré la dépendance de l’un envers l’autre. L’altérité de la relation est un puissant garant du sentiment d’identité et de cohérence interne. »

Gérardin P. Être à l’écoute de la personne, être allié de sa démarche. Éthique, sociétés et maladies neuro-dégénératives. Le Journal de l’Espace éthique. Hors-série 2015 ; 14. Septembre 2015.