L’Éclipse, de Serge Rezvani (2)
Société inclusive
Pour Colette Roumanoff, le troisième préjugé de Rezvani, et « le plus terrible », est la mort de la personne. » Un mort n’a plus besoin de rien. Un patient atteint de la maladie d’Alzheimer a besoin de tout. Et d’abord de ne plus être regardé comme une catastrophe ambulante, comme un mort-vivant (…) On aggrave la confusion quand par ignorance on maintient le patient dans une inactivité forcée. » Or « la personne est là tout entière, avec ses besoins, ses désirs, ses émotions, ses sentiments, ses réactions, son caractère, son intelligence et sa sensibilité démultipliée. Elle est vivante. Il est facile de la malmener car elle n’a pas les moyens de s’y opposer. Et si ça se passe mal, c’est la faute de la pathologie ! Il est urgent de remplacer la notion de démence, qui autorise trop de dérives, par celle de handicap cognitif », déclare Colette Roumanoff. Pour elle, « la pathologie invite à une plus grande intimité entre les personnes, à une confiance réciproque encore plus grande. Le dialogue avec les mots, le dialogue avec les gestes, le dialogue avec les regards permettent à la relation de se moduler et de se réinventer en fonction des circonstances, tandis que lien de cœur à cœur se renforce. C’est là que le oui est roi. Oui, c’est normal pour un patient de ne pas se souvenir de ce qu’il vient de faire ni de ce qu’on vient de lui dire. Oui, c’est une bonne idée de rire de ses maladresses (au lieu de s’en offusquer). Oui, on peut partager la bonne humeur engendrée par des calembours involontaires et autres incongruités de langage ou de comportement. La bonne humeur arrange tout, de plus elle est naturellement contagieuse. Oui à ce que tu es, oui à ce que tu deviens. Alors la maladie relâche son étreinte, le stress s’évapore peu à peu. On découvre, émerveillé, des capacités d’apprentissage et des plaisirs nouveaux que l’on peut partager. »