Le plus beau de tous les tangos du monde
Société inclusive
A l’abbaye de La Prée, près d’Issoudun (Indre), une maison de vacances des petits frères des Pauvres, des artistes, des scientifiques, des soignants et dix-sept personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer se sont réunis pour mesurer pendant deux semaines l’évolution de ce groupe de personnes âgées, qui a appris des chansons et à danser le tango. « Dès le lendemain de la première séance de chants », écrit Emmanuel Bédu de La Nouvelle République, « alors que ces personnes s’apprêtaient à effectuer leurs premiers pas de danse, une bonne dizaine d’entre elles entonnaient : « Le plus beau de tous les tangos du monde, c’est celui que j’ai dansé dans tes bras… » Les mots coulent, les yeux s’écarquillent, les sourires s’accrochent aux joues. La vie reprend. Alzheimer semble reculer. La caméra d’Anne Bramard-Blagny, documentariste, filme l’instant. Les voix se sont échauffées. Place au corps. Carolina Udoviko, professeur de tango argentin, propose de se dérouiller les articulations. La tête, les yeux, les bras, les pieds… « Je veux leur faire travailler tout le corps, explique-t-elle. Cette mémoire physique, ils l’ont, mais il faut la réveiller. J’ai rencontré des gens qui avaient oublié comment on mettait la main à la bouche ; elles ne savaient plus manger ». Les malades « sont dans l’abandon, ils n’ont plus le désir de faire des choses. Il faut aller les rechercher », explique Emmanuel Bigand, professeur de psychologie cognitive à l’Université de Bourgogne et musicologue, pour qui « la compétence musicale se développe comme la compétence linguistique, sans le recours à des apprentissages spécifiques et par simple sollicitation de l’environnement ».