Le dire ou ne pas le dire ? (2)
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« L’enquête a été menée aux Etats-Unis, mais nul doute qu’en France elle aurait aussi fait apparaître un certain pourcentage de flou artistique quant à l’annonce (ou à la non-annonce), sans qu’il soit, en l’absence d’études, possible d’avancer un chiffre », rappelle Stéphanie Lavaud, de Medscape. « Il y a, ici aussi, des médecins ou des familles, qui préfèrent taire la maladie », confirme la psychologue Judith Mollard-Palacios, chef de projet à l’Union France Alzheimer et maladies apparentées. Pourtant, explique-t-elle, « ce n’est pas en ne la nommant pas que la maladie n’existe pas. Nommer, c’est donner du sens. C’est aussi autoriser la parole au sein de la famille : le non-dit met les familles en situation difficile. Parfois les médecins se retranchent derrière la complexité de la maladie, de l’annonce, l’angoisse qu’elle va générer : autant d’arguments défensifs qu’il faut les aider à dépasser car ils sont souvent non justifiés. Pour les patients, savoir qu’il y a une cause à leurs troubles est rassurant dans un premier temps et au final, décider à la place du sujet ce qui est bon pour lui ne lui apporte aucune sérénité. Et si l’annonce n’est pas recevable, la personne s’en défendra en la niant, ou en la banalisant ». « L’annoncer, c’est aussi mettre un mot sur une vérité », déclarait aussi, en 2012, la neurologue Agnès Michon, de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Même s’il n’a pas conscience d’être malade, le patient sent bien qu’il n’est plus tout à fait comme avant. Ses troubles de la mémoire peuvent provoquer chez lui une incompréhension, une souffrance qu’on risque de renforcer en lui disant qu’elle n’a rien. « D’une certaine manière, l’annonce du diagnostic peut alors être vécue comme un soulagement, car elle aura une fonction d’assertion », explique-t-elle. Et qu’en pense la personne malade elle-même ? Un malade jeune, conseiller de l’Association Alzheimer américaine, dit simplement : « annoncez la nouvelle dans un langage clair mais sensible (in plain but sensitive language). Cela peut être l’une des choses les plus importantes que j’aie jamais entendues. S’il vous plaît, utilisez un langage que je puisse comprendre et adapté aux sentiments qu’ils pourraient susciter en moi. »
www.medscape.fr, 2 avril 2015. La Croix, 14 avril 2015. Gzil F et Hirsch E (coord.). Alzheimer, éthique et société. 2012. Toulouse : Erès. 320 p. ISBN : 978-2-7492-3495-3. www.editions-eres.com/parutions/societe/eres-poche-espace-ethique/p3079-alzheimer-ethique-et-societe.htm.