La Tête en l’air, d’Ignacio Ferreras (2)

Société inclusive

Date de rédaction :
15 janvier 2013

« Le cinéma, la télévision, la bande dessinée sont pleins d’histoires dont les personnages principaux sont des enfants ou de jeunes adultes, mais très peu font de leur héros une personne âgée. Comme si on ne voulait pas voir le troisième âge. Dans une affiche publicitaire que j’avais réalisée, j’ai dû effacer des personnes âgées à la demande du commanditaire qui craignait que cela ne “déprime” les consommateurs… », explique l’illustrateur Paco Roca, coscénariste et directeur artistique du film adapté de son ouvrage, dans un entretien à Stéphane Dreyfus, de La Croix. « Quand le père de l’un de mes amis a été atteint de la maladie d’Alzheimer, j’ai eu envie d’en faire un personnage de bande dessinée. Il avait une grande culture et une très bonne mémoire et j’aimais discuter avec lui. En très peu de temps, il ne savait plus comment s’habiller…  Pendant six mois, j’ai visité plusieurs maisons médicalisées. Je me suis entretenu avec les médecins, les infirmières, les patients et leurs proches. En Espagne, ce type d’établissement ressemble à une île où les personnes âgées sont abandonnées tels des naufragés. » Le producteur Manuel Cristobal a souhaité transcrire la bande dessinée en film d’animation plutôt qu’en prises de vues réelles : « Quand j’ai lu la BD de Paco Roca, je me suis dit qu’il y avait matière à faire un Persépolis espagnol, raconte-t-il. Les frontières de l’animation ont explosé avec le dessin animé de Marjane Satrapi et Valse avec Bachir d’Ari Folman. C’est un territoire cinématographique encore frais. » Pari réussi : le film, produit par Perro Verde Films, a obtenu deux Goyas (équivalents ibériques des Césars), celui du meilleur film d’animation et du meilleur scénario adapté. « Il a également réussi à secouer la société espagnole. Dénonciation du jeunisme de la société moderne, la BD et le film ont suscité de vifs débats sur les maisons de retraite en Espagne. Et les associations de familles de malades d’Alzheimer s’en servent comme matériel pédagogique pour sensibiliser les jeunes générations à ce terrible mal », écrit Stéphane Dreyfus. En France, le film, distribué par Bac Films, a été récompensé par une mention spéciale au Festival du film d’Annecy en 2012.