La solitude : un déterminant de la maladie d’Alzheimer

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Date de rédaction :
14 janvier 2017

La solitude touche plus de cinq millions de Français. Une personne sur quatre est seule, selon le rapport sur les solitudes de la Fondation de France. Face au déclin cognitif, la solitude apparaît, de plus en plus, comme un élément de risque majeur. Quand survient la maladie, le maintien ou la restauration du lien social doit être au cœur de toute stratégie d’accompagnement et de soutien. C’est la raison pour laquelle Jacques Frémontier, éditorialiste et journaliste bénévole, a réalisé un dossier sur le thème « solitude et maladie d’Alzheimer », à partir de deux cents articles issus de la revue de presse mensuelle nationale et internationale de la Fondation Médéric Alzheimer. Quels enseignements ? La solitude est désormais considérée par plusieurs chercheurs comme l’un des déterminants du déclin cognitif : « Les personnes âgées confrontées à la solitude auraient deux fois plus de risque de développer la maladie. » La solitude pourrait affecter des parties du cerveau dédiées à la connaissance et à la mémoire. La maladie d’Alzheimer, expérience de la perte du pouvoir sur soi-même, ne fait qu’aggraver cette solitude « faite de vide, d’abandon, de déréliction. » Elle aboutit à un délitement progressif du tissu relationnel, modifiant en profondeur la relation au monde de la personne malade. La solitude des aidants familiaux face à la maladie aboutit à ce que 38% d’entre eux meurent avant la personne dont ils ont la charge. La priorité, c’est donc de lutter contre cette solitude et, avant tout, de la repérer. La prise de parole par des personnes malades qui en ont la capacité constitue une des révolutions des dernières années. D’ailleurs, le soutien par les pairs, c’est-à-dire les autres personnes malades, devient peu à peu une réalité, surtout dans les pays anglo-saxons. En France, la mobilisation de toute la société civile fait ses premiers pas, encore timides.

Les études scientifiques sur le sujet sont extrêmement rares. En 2007, le Pr Robert Wilson et ses collèges, de l’Université Rush de Chicago, avaient suivi une cohorte de huit cents personnes âgées en moyenne de 80.7 ans, et montré que les personnes confrontées à la solitude avaient deux fois plus de risque de développer la maladie d’Alzheimer. En 2015, une étude de Jiska Cohen-Mansfield, de l’Institut du vieillissement Herczeg de Tel-Aviv (Israël), auprès de quatre-vingt-neuf personnes atteintes de démence résidant en établissement, montrait que les trois besoins non satisfaits étaient l’ennui associé à la privation sensorielle, le besoin d’interaction sociale associé à la solitude et le besoin d’une activité porteuse de sens. Plus récemment, Nancy Donovan et ses collègues, de l’École médicale de Harvard (Boston, Etats-Unis) ont suivi huit mille trois cents personnes âgées de soixante-cinq ans et plus pendant douze ans (US Health and Retirement Study). La solitude à l’inclusion est un facteur prédictif d’un déclin cognitif douze ans plus tard. La présence d’une dépression associée à la solitude accélère le déclin cognitif. La même équipe montre, dans une étude portant sur soixante-dix-neuf personnes âgées en moyenne de soixante-seize ans, sans troubles cognitifs (Harvard Aging Brain Study), que les participants ayant une charge amyloïde élevée vivent 7.5 fois plus souvent seuls que les personnes sans plaques amyloïdes. Cet effet est encore plus marqué chez les personnes porteuses d’une mutation sur le gène APOEε4, un facteur de prédisposition génétique à la maladie d’Alzheimer. Pour les chercheurs, cette association forte entre la solitude et la charge amyloïde dans le cortex cérébral de personnes sans troubles cognitifs suggère que la solitude devrait être intégrée dans la batterie de critères de détection préclinique de la maladie d’Alzheimer. « Ces résultats ouvrent des pistes de recherche dans la neurobiologie de la solitude et des changements socio-émotionnels dans la dernière partie de la vie », écrivent les chercheurs, afin de concevoir des interventions précoces dans le domaine de la maladie d’Alzheimer. Ces résultats restent à confirmer dans des cohortes plus importantes.

Frémontier J. Solitude et maladie d’Alzheimer. Dossier thématique n°4, décembre 2016. Fondation Médéric Alzheimer. www.fondation-mederic-alzheimer.org(texte intégral).

Donovan NJ et al. Association of Higher Cortical Amyloid Burden With Loneliness in Cognitively Normal Older Adults. JAMA Psychiatry 2016; 73(12):1230-1237. 1er décembre 2016. http://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/article-abstract/2575729,

http://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/482179.Donovan NJ et al. Loneliness, depression and cognitive function in older U.S. adults. Int J Geriatr Psychiatry, 9 mai 2016. www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27162047. Cohen-Mansfield J. Which unmet needs contribute to behavior problems in persons with advanced dementia? Psychiatry Res 2015; 228(1): 59-64. 30 juillet 2015.www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25933478. Wilson RS et al. Loneliness and risk of Alzheimer disease. Arch Gen Psychiatry 2007; 64(2): 234-40. Février 2007 (texte intégral).