La protection juridique au service des personnes vulnérables (2)

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
01 octobre 2012

La présidente d’un CLIC (centre local d’information et de coordination en gérontologie) constate : « nos professionnels sont souvent à l’origine de demandes de mesure de protection, sollicitées par les familles ou d’autres professionnels. Une des difficultés majeures, c’est le terme de juge, qui renvoie à la notion de culpabilité pour le commun des mortels. Il y a vraiment un problème sémantique qui est une vraie barrière pour amener les gens à la mesure de protection. » Suzanne Philips-Nootens, professeur associé à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke (Canada), indique qu’au Québec, pour cette raison, l’ouverture des régimes de protection a été « dé judiciarisée » et peut se faire devant le notaire s’il n’y a pas contestation. En France, Anne Caron-Déglise, magistrat délégué à la protection des majeurs, rappelle que le choix inverse a été fait : « l’intervention de l’autorité judiciaire, du juge en particulier, est considérée comme essentielle. Décider de réduire les capacités juridiques d’une personne majeure est un acte grave et lourd de conséquences. Cette décision doit être prise, quand elle est nécessaire, par une autorité impartiale et neutre, dans le cadre d’une procédure garantissant les droits des personnes. Cette décision doit pouvoir ensuite être contrôlée dans son exécution pour éviter les abus et être adaptée aux évolutions de l’état de santé de la personne. C’est pourquoi le juge judiciaire, garant des libertés individuelles, peut seul la prendre. Ce juge est, en France, le juge des tutelles exerçant dans les tribunaux d’instance, dont il a été estimé qu’il était à un niveau de proximité satisfaisant. Mais un problème de représentation de l’image du juge demeure dans l’esprit du public et, en particulier, dans celui de la personne dont la protection est demandée. Le jugement porté sur les capacités est en effet un jugement sur les manques repérés. Il officialise une dégradation des possibilités de décision et un très fort ressenti de déchéance contre lequel ce juge particulier qu’est le juge des tutelles a encore beaucoup de mal à expliquer qu’il a aussi un rôle de protecteur. Les mentalités doivent encore évoluer et une réflexion plus large doit s’engager sur les conditions de la protection à accorder aux personnes les plus fragiles, comme sur les possibilités pour chacun d’entre nous d’anticiper les situations d’altérations des facultés personnelles par le nouvel instrument qu’est le mandat de protection future. Le philosophe Fabrice Gzil invite à la prudence et à l’adoption d’une posture réflexive : « dans la pratique, on sait que les professionnels et les familles prennent en permanence des décisions pour la personne, ils ne vont pas aller voir le juge toutes les cinq minutes pour lui demander. Retirer à la personne le droit de prendre des décisions a des conséquences extrêmement lourdes. Le respect de la dignité suppose de prendre en compte le bien-être de la personne, l’intérêt des tiers, mais on a là une récurrence de réflexes un peu paternalistes qui ne sont pas que le fait des médecins et dont je pense qu’il faut essayer individuellement et collectivement de se prémunir même si c’est notre tendance naturelle. »

CNSA. Dossier scientifique. Deuxièmes rencontres scientifiques de la CNSA. Aide à l’autonomie et parcours de vie. Synthèse du colloque des 15 et 16 février 2012.  Septembre 2012.

www.cnsa.fr/IMG/pdf/Aide_a_lautonomie_et_parcours_de_vie.pdf(texte intégral).