La parole de la personne malade : qu’en disent les psychanalystes ? (1)
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
La revue Neurologie Psychiatrie Gériatrie consacre un dossier aux psychothérapies des démences, qui reprend les principales interventions d’un séminaire tenu à Strasbourg en octobre 2016, réunissant une centaine de psychologues et psychiatres français, belges et suisses, tenants d’une approche psychanalytique. Le débat théorique sur le caractère organique ou le caractère psychique de la démence, parfois véhément, est loin d’être clos chez les psychanalystes. Ainsi, pour le psychiatre honoraire Jean Maisondieu, « l’hégémonie du modèle médical dans le champ de la santé mentale empêche de percevoir parmi les troubles mentaux des personnes atteintes de démence ceux qui relèvent de l’aliénation accompagnant inéluctablement ces pathologies organiques et ceux qui, étant du registre psychosocial sont potentiellement réversibles (…) Non seulement la corrélation anatomo-clinique repose seulement sur des présomptions que les autopsies sont loin de toujours confirmer, mais en plus il est impossible de voir les troubles mentaux comme des troubles de la communication, des messages brouillés émis par un sujet ne pouvant, ne voulant ou ne sachant pas s’exprimer clairement mais qui, bien qu’abscons, n’en sont pas moins chargés de sens. Il ne peut être question d’essayer de les décoder, puisque tous ne sont considérés que comme des symptômes d’un processus organique dégénératif. Pire, le projet thérapeutique ne peut que viser à les faire disparaître, clouant définitivement le bec à un sujet souffrant pour le transformer en objet de soins qui, aussi attentifs soient-ils, sont forcément aliénants puisqu’ils font office de censure. C’est particulièrement vrai et franchement consternant en ce qui concerne les troubles de la mémoire. Alors que Freud, ce grand absent de l’alzheimérologie officielle, avait fourni à l’homme “la preuve que ce n’est pas nécessairement sa mémoire qui le trahit, mais parfois lui qui prend des libertés avec sa mémoire. » Pour le psychiatre, c’est le regard de répulsion envers l’Autre, la personne malade, qui entraîne l’aliénation sociale : « un être humain perd jamais totalement sa capacité de communiquer avec autrui tant qu’il est conscient.
Maisondieu J. Pas de démence sans aliénation et donc pas de soins sans prise en compte de la psyché. » NPG Neurol Psychiatr Gériatr 2017 ; 17(99) : 159-160. Juin 2017. www.em-consulte.com/article/1122264/article/pas-de-demence-sans-alienation-et-donc-pas-de-soin