La mort, et après ? Désorientation, souvenirs, ajustements, nouvelles réalités
Société inclusive
Deux semaines après la mort de sa mère, Swapna Kishore écrit dans son journal : « j’ai une conscience aigüe des espaces laissés vides par la mort, espaces dans ma journée, mon esprit, mes sentiments. J’ai été ballottée entre des accès de travail énergiques, l’acceptation apparente de mon changement de situation, des souvenirs précis qui reviennent d’un coup, une confusion sur mon avenir et une désorientation totale qui me prend aux tripes avec le sentiment qu’il y a quelque chose qui va horriblement mal. J’ai parlé de ma mère avec plus de gens ces deux dernières semaines que depuis des années ; la plupart de ces interactions ont été réconfortantes, mais mises bout à bout, ont été une surdose de socialisation pour une personne introvertie comme moi. Et j’ai essayé de m’occuper un peu, parce que je ne suis pas sûre que je puisse accepter trop de vide. C’est bizarre (weird). Durant ces dernières années, mon implication et mon travail d’aidante ont augmenté jusqu’à ce que l’aide devienne un rôle en immersion. J’ai fait des ajustements majeurs dans ma vie pour être capable de me concentrer sur les soins et l’accompagnement de ma mère. Je ne me suis permis aucune distraction qui aurait pu éloigner mon cœur de cette responsabilité essentielle, et j’ai tout structuré pour faciliter l’accompagnement. Voilà ce qui était important : créer une routine adaptée pour elle était, après tout, la même chose que créer une routine correspondante pour moi. Etre sûre qu’elle n’avait pas de gêne demandait d’être très organisée, parfois au prix de redondances : par exemple, j’ai dû acheter un second radiateur pour ma mère parce je n’aurais pas été en mesure de faire réparer le premier suffisamment vite en cas de panne. J’avais des pièces de rechange pour tout, au cas où… Tous ces choix m’ont permis d’apporter mon aide facilement, et avec moins de tension. Peut-être ai-je été parfois trop sensible au danger, mais je n’aime pas prendre des risques, et la situation d’aide est semée d’évènements imprévisibles. De plus, j’étais constamment en alerte. Je ne descendais même pas prendre mon courrier sans emporter mon téléphone mobile. Maintenant, ces habitudes et ces choix sont hors sujet ou improductifs. Et bien sûr, j’ajouterai ce point essentiel : une partie substantielle de ce qui fait mon identité est étroitement liée à mon activité d’aide. Mais que suis-je quand il n’y a personne à aider ? (what am I when there is no care recipient ? » Sur mon site Internet, je m’identifie comme « l’aidante d’une mère atteinte de démence ». Je dois modifier ce texte, mais pour le remplacer par quoi ? »